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et, d’autre part, nous proposer des plans de reconstitution où les industriels et les ouvriers allemands trouveront leur profit. J’ai déjà eu plusieurs fois l’occasion de dire que je ne croirais pas prudent de refuser, d’une manière absolue, la main-d’œuvre, les matières premières, et même les produits fabriqués de l’Allemagne. Mais il y faut deux conditions : une limitation prudente et un contrôle sévère. M. Jean Hennessy, qui a soutenu, devant la Chambre, l’idée d’une collaboration plus générale avec le Reich, a rencontré, chez les représentants des pays dévastés, une très vive opposition, dont il ne pouvait être surpris. Si l’Allemagne prétend s’acquitter entièrement en nature, et à sa façon, nous resterons donc très loin de la solution. Nous ne nous en rapprocherons que le jour où notre débiteur nous verra prendre des hypothèques, des nantissements ou des gages. Nous sommes entrés dans cette voie ; la pire des fautes serait maintenant de reculer ou de nous arrêter devant la mauvaise volonté allemande. Nous avons sous la main ou à portée de la main des garanties que nous n’avons pas encore prises et des ressources auxquelles nous n’avons pas touché : impôts, biens domaniaux, mines, chemins de fer. Si l’Allemagne ne veut pas nous remettre de bonne grâce ce qui nous est dû, nous serons bien forcés de nous servir nous-mêmes. Et, en attendant, nous resterons où nous sommes. Nos alliés, à qui M. Simons s’est chargé de faire perdre leurs illusions sur la bonne foi de son Gouvernement, ont compris que, si nous demandions la prolongation des délais d’occupation, ce n’était pas avec je ne sais quelles arrière-pensées impérialistes, mais simplement avec le désir de ne pas nous dessaisir, avant d’être payés, du seul gage que nous ayons. Le grand mérite des décisions de Londres, c’est d’avoir accordé les instruments de l’Angleterre, de l’Italie, du Japon, de la Belgique et de la France. Il reste à jouer le morceau.


RAYMOND POINCARÉ.


Le Directeur-Gérant :

RENÉ DOUMIC.