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des Alliés. Il est donc plaisant qu’elle essaie maintenant de l’anéantir. Elle va certainement faire flèche de tout bois pour arriver à garder une province qui ne serait pas seulement pour elle une riche réserve industrielle, mais qui resterait sa principale usine de guerre. Si elle y réussissait, elle amoindrirait à tel point la vitalité de la Pologne renaissante qu’au lendemain même de sa reconstitution, ce malheureux État ne trouverait pas en lui les forces nécessaires pour maintenir son indépendance et qu’il serait condamné, tôt ou tard, à choisir entre la subordination à la Russie et la subordination à l’Allemagne. Il y a donc, pour la solidité de la paix et pour la sécurité des pays alliés, un intérêt capital à ce que les communes polonaises de Haute-Silésie ne soient pas livrées au Reich et à ce que soit respectée la volonté des populations. L’Allemagne nous répétera certainement que, sans le bassin minier, elle ne pourra pas nous payer les réparations qu’elle nous doit. Espérons que ni la conférence des Ambassadeurs, ni les Gouvernements alliés, ne se laisseront impressionner par une manœuvre aussi grossière. M. Briand en a déjà montré la perfidie et la vanité. Même privée de la Haute-Silésie, l’Allemagne a une capacité de paiement suffisante pour s’acquitter, si elle le veut, de la totalité de sa dette. Elle n’en restera pas moins le pays le plus riche en charbon de toute l’Europe ; elle n’en conservera pas moins une force de production industrielle qui la maintiendra au premier rang des nations ; et lorsqu’elle prend prétexte du plébiscite pour recommencer à nous parler de sa pauvreté, elle veut, une fois de plus, se jouer de notre crédulité.

Défions-nous donc des propositions insidieuses, des marchandages et des mauvais compromis. Tenons-nous en à la politique de fermeté que M. Briand a pratiquée à Londres. Ne revenons pas aux pitoyables tractations au cours desquelles nous avions, comme à plaisir, émoussé le Traité et amenuisé nos droits. La résolution des Chambres vient encore de s’affirmer clairement au Sénat, dans la discussion du budget. Après avoir insisté sur la gravité de la situation financière, le nouveau rapporteur général, M. Henry Chéron, s’est écrié : « Il faut que l’Allemagne paye ce qu’elle nous doit ; sinon le problème est insoluble. » Et il a ajouté, aux applaudissements unanimes de l’Assemblée : « Nous ne sommes pas animés d’un sentiment de haine implacable, mais nous ne voulons pas que les contribuables français soient exposés à payer eux-mêmes ce qui est dû par l’Allemagne. » C’est bien en ces termes très simples que se pose, en effet, toute la question. Qui paiera les réparations, dans nos départements dévastés ?