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fortes, mais, à la suite des abus dénoncés, elles étaient inévitables. Si nous voulons que notre situation s’affermisse en Orient, nous devons, je l’ai souvent répété depuis plusieurs mois, nous y conduire comme des libérateurs et comme des guides, non comme des occupants et comme des maîtres. Le général Gouraud ne manquera pas de corriger les mauvaises habitudes que paraissent avoir contractées quelques-uns de ses subordonnés ; il se débarrassera sans peine du trop-plein de son personnel ; il ne gardera auprès de lui que les collaborateurs dont il aura éprouvé le mérite et dont les services lui auront été démontrés nécessaires ; il fera comprendre à tous que nous n’avons à établir en Syrie, ni notre protectorat, ni, à plus forte raison, notre souveraineté. Nous avons à nous y faire connaître, estimer et aimer. Plus que personne, le général Gouraud personnifie les vertus qui doivent gagner à la France le cœur des habitants.

A l’autre extrémité du monde, en Amérique, paraît également souffler un vent plus favorable. L’installation du Président et de la nouvelle administration a mis fin à l’accès de fièvre politique qui s’empare, tous les quatre ans, des États-Unis. Non seulement M. Harding n’a pas retiré les troupes américaines de la rive gauche du Rhin, mais il a donné aux Alliés toutes facilités pour l’application des sanctions adoptées par la Conférence de Londres. A New-York ont eu lieu d’importantes manifestations. Le général Pershing, qui y assistait, a prononcé un discours où il a flétri les manœuvres allemandes et il s’est écrié : « Allons-nous pardonner la destruction de la France et de la Belgique et les flots de sang répandus ? Est-ce qu’une astucieuse propagande faite dans notre Amérique va affaiblir notre amitié pour la France et pour les Alliés ? La réponse, la voici : les principes pour lesquels l’Amérique a fait la guerre sont toujours debout et les Alliés demeureront nos amis. L’Amérique se dressera contre une agression. Elle doit insister pour que les nations qui se sont mises hors la loi soient regardées comme responsables et, en conséquence, contraintes de payer complètement les méfaits qu’elles ont commis. » Les Américains les plus sympathiques à la France disent très haut que la meilleure manière de retenir leur pays à nos côtés, c’est de montrer nous-mêmes de l’énergie dans l’exécution du Traité. Si nous nous abandonnons, l’Amérique se désintéressera de nous. Elle ne comprendrait pas qu’ayant obtenu des conditions de paix déterminées, nous n’eussions pas la volonté persévérante de les faire respecter. Des concessions à l’Allemagne lui apparaîtraient comme une preuve de faiblesse et comme le signe d’une incertitude