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trône de Mésopotamie. Les organisateurs de cette machination tentent de convaincre l’Angleterre qu’elle trouverait en Feyçal un auxiliaire précieux, l’homme providentiel qui lui permettrait de vider des troupes britanniques les vallées du Tigre et de l’Euphrate et qui rétablirait le calme dans les avancées des Indes. M. Winston Churchill, qui n’est pas seulement un grand ami de la France, mais qui est une des intelligences les plus pénétrantes de son pays, ne se laissera pas circonvenir par une poignée d’enfants du désert, qui se sont juré de réveiller en Asie-Mineure des troubles heureusement apaisés.

Quant à nous, nous devons veiller à l’organisation rapide de notre mandat. Nous sommes assurés que le grand et noble soldat qui représente la France en Syrie et qui, après avoir participé aux négociations de Londres, a reçu à Paris les directions du gouvernement français, réalisera dans l’accomplissement de cette œuvre délicate les économies qu’ont réclamées le Gouvernement et les Commissions parlementaires. Certes, ce n’est point la faute du général Gouraud, si nous avons commis jusqu’ici dans notre rôle un peu nouveau de « mandataires, » des erreurs assez fâcheuses. On dirait que certains ministères ont pris plaisir à envoyer en Syrie des fonctionnaires de rebut et que l’Orient est devenu un Paradis réservé aux agents qui ont eu la mauvaise chance de ne pas réussir dans la métropole. Il y a des exceptions. Dieu merci ! Mais, en règle générale, les employés de tous grades sont trop nombreux et mal choisis. Il faudrait en Syrie une élite de contrôleurs et de conseillers, chargés de mettre en mouvement, pour le bien des populations, une administration locale. Autrefois, cinq Français, dont M. Maurice Bompard, depuis ambassadeur, ont suffi pour installer notre protectorat en Tunisie ; et, ces jours-ci, au contraire, lorsque M. Jonnart, qui est, de longue date, un fervent ami de la Syrie et du Liban, est allé se rendre compte sur place de la manière dont s’exerçait notre mandat, il a eu nettement l’impression que nous faisions fausse route, qu’au lieu de nous associer les habitants, nous employions des méthodes de colonisation et d’administration directe, que certains de nos fonctionnaires, civils et militaires, se méprenaient entièrement sur leur mission, bref qu’il était temps d’apporter au régime pratiqué en Syrie des réformes profondes.

Les Commissions des Chambres ont taillé dans le vif. Elles ont sévèrement comprimé les dépenses et elles ont réduit les crédits par dizaines de millions. Ces amputations sont peut-être un peu