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et d’une magnifique discipline. Leur départ volontaire n’aura rien d’une retraite et ne portera aucune atteinte à notre prestige.

Nous ne devons pas nous dissimuler cependant que l’opération n’ira pas sans quelques difficultés. Le gouvernement turc est maître de ses troupes régulières, mais, en dehors d’elles, il y a, dans tout le pays, des bandes armées, qui n’obéissent guère à personne et qui peuvent harceler nos troupes. En outre, des conflits violents entre Arméniens et Turcs sont toujours à redouter. Il nous faudra donc beaucoup de prudence dans le retrait de nos divisions, si nous ne voulons pas laisser derrière nous le désordre et l’anarchie. Au surplus, la gendarmerie locale restera constituée par des instructeurs français.

A mesure que le calme se rétablira, nous devrons, d’après les décisions de Londres, abandonner, en outre, certains territoires turcs qui rentraient précédemment dans notre mandat et qui étaient considérés comme rattachés à la Syrie. C’est le prix, un peu lourd peut-être, de notre réconciliation avec les Turcs. Lorsque les conditions de ce rapprochement seront définitives, nous mesurerons nos sacrifices et les avantages que nous conserverons. Pour le moment, ne retenons qu’une chose, le soulagement qu’apporte à nos troupes la fin d’une campagne militaire dont nous n’avions à tirer aucun profit sérieux. Quoi que dise et fasse la Grèce, nous n’oublierons pas, bien entendu, qu’elle a combattu à nos côtés et nous souhaitons vivement que, malgré ses erreurs, elle utilise maintenant, pour sa prospérité future, les résultats de notre commune victoire. Mais il nous était impossible de supporter plus longtemps, par égard pour elle, l’effort considérable que nous nous étions imposé en Orient. Si une entente définitive s’établit entre la Turquie et nous, nous serons enfin délivrés d’une préoccupation obsédante et notre politique orientale se trouvera, du même coup, très simplifiée. En Cilicie, ainsi que dans les vilayets de Sivas, de Harpout et de Diarbékir, nous pourrons reprendre avec les Turcs une collaboration paisible. En Syrie, nous resterons libres d’exercer tranquillement notre mandat, aussi bien sur Damas, sur Alep et sur Alexandrette que sur Beyrouth et sur le Liban, et aux musulmans comme aux chrétiens, nous saurons donner l’ordre et la paix.

Nous sommes, pour l’instant, à l’abri des intrigues que l’émir Feyçal avait essayé de fomenter parmi les Arabes. Il faut espérer que les dangereux émissaires du subtil Bédouin ne parviendront pas à tromper M. Winston Churchill, qui va les rencontrer en Egypte et qui sera très vivement presse par eux d’offrir au fils du roi du Hedjaz le