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membre de la délégation indienne musulmane invitée par le gouvernement britannique à donner des avis sur la révision du traité de Sèvres. Au cours de ses observations, M. Hasan Imam aborda la question de la Thrace. Il prétendit qu’il parlait au nom de toute la population musulmane de l’Inde et il alla jusqu’à dire que ses compatriotes demanderaient à se séparer de l’Empire britannique, si la Thrace n’était pas laissée à la Turquie. Il allégua même que l’Inde n’avait donné son argent et ses recrues dans la guerre contre la Turquie que sur l’engagement public, pris le 5 janvier 1918, par M. Lloyd George, qu’après la paix « la Turquie conserverait cette région européenne. Les journaux anglais répondent à M. Hasan Imam qu’il commet, à cet égard, une grave erreur et que M. Lloyd George n’a jamais fait la moindre promesse aux musulmans indiens. Mais ce petit incident est significatif. Il nous montre que le traité de Sèvres n’est pas encore définitivement révisé et que nous ne sommes pas au bout de notre tâche.

Les délégués d’Angora, Bekir Samy Coundoukh et Husrew Bey, retournent chez eux avec l’espoir que leur Parlement ne les désavouera point et qu’on pourra bientôt aboutir à des préliminaires de paix. Mais, d’autre part, la Grèce appelle sous les drapeaux les classes 1913, 1914, 1915, et Constantin se place sous le patronage de ses « grands alliés, » pour assurer, dit-il, la pacification de l’Orient par la défense du traité de Sèvres. Aune reprise des hostilités, nous ne prêterons cependant ni nos troupes, ni notre argent, ni nos encouragements, ni notre nom. Dans le délai d’un mois après la suspension d’armes qui a été décidée entre la Turquie et nous, nous devons évacuer la Cilicie. Nous n’y resterons pas pour y appuyer le roi de Grèce.

Cette évacuation n’est pas, d’ailleurs, une conséquence des accords de Londres ; elle était déjà prévue par le traité de Sèvres lui-même. La Cilicie est en dehors de notre mandat. Elle fait seulement partie de notre zone d’influence économique. Nous devons donc nous entendre avec les Turcs sur le parti que nous tirerons de ce privilège et restituer la province à leur souveraineté. Nous libérerons ainsi deux divisions françaises qui, pour le moment, nous seront plus utiles sur le Rhin.

Comme l’ont remarqué, aux applaudissements de la Chambre, M. Briand et M. Lenail, ce règlement pacifique n’est devenu possible que grâce à la vaillance des troupes françaises, qui ont si longtemps combattu, dans des conditions souvent inégales, sur le front cilicien et qui s’y sont si énergiquement maintenues. En se retirant, elles laisseront dans l’esprit des populations le souvenir d’un courage indomptable