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31 mars 1921

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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE [1]

A son retour de Londres, M. Aristide Briand a reçu de la Chambre un excellent accueil et le talent incomparable avec lequel il a expliqué les résultats obtenus n’a pu que fortifier la grande majorité de ses auditeurs dans les dispositions favorables où les événements les avaient mis. Les députés ont appris notamment avec plaisir que le traité de Sèvres allait, sans doute, subir quelques retouches et qu’en attendant, un armistice était sur le point d’entrer en vigueur entre la France et la Turquie. La politique anglaise dans le Levant a, en effet, sensiblement évolué sous l’influence des préoccupations que donnent à l’Empire les affaires de Perse, de Mésopotamie, d’Egypte, et le maintien de l’ordre dans les Indes. Malgré l’intervention officieuse de M. Vénizélos, le cabinet britannique n’a plus eu, dans la question d’Orient, les yeux de la Grèce. Les Grecs, au contraire, sont partis de Londres fort déçus. Envoyés par Constantin, qui nous appelle maintenant, avec ostentation, ses grands alliés, ils espéraient trouver en Angleterre le même accueil que l’homme d’État qu’ils avaient renversé et remplacé. Ils ont été courtoisement reçus et attentivement écoutés ; rien de plus. Ils ont, du reste, plaidé avec quelque maladresse le procès que M. Vénizélos avait défendu avec une habileté supérieure et qu’il avait momentanément gagné. Il avait apporté des statistiques, invoqué des considérations ethniques, insisté sur les vœux des populations. Les nouveaux représentants de la Grèce ont cru bon, pour établir avec plus de force les droits de leur pays sur Smyrne, d’évoquer sérieusement les ombres d’Homère et de Sapho. Des sept villes grecques qui se disputaient la gloire d’avoir été le berceau d’Homère, il n’y en a décidément qu’une dont les titres soient certains, et c’est Smyrne. Lorsqu’Anatole France nous

  1. Copyright by Raymond Poincaré, 1921.