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clavecin), des XVIIe et XVIIIe siècles italiens [1]. C’est un admirable bréviaire, digne de prendre place en toute bibliothèque des chefs-d’œuvre classiques, à côté du Clavecin bien tempéré. A l’heure trouble où nous sommes et par ce « temps malade, » comme disent les bonnes gens, que traverse la musique, l’italienne aussi bien que la nôtre, il n’est que d’ouvrir ce recueil pour y faire provision de lumière et de santé.

La collection de M. Boghen s’ajoute fort heureusement au recueil de sonates, également anciennes et pour la plupart italiennes aussi, réunies par M. Joseph Salmon [2]. Nous en avons naguère entretenu les lecteurs de la Revue. L’une et l’autre publication forment comme une riche galerie de primitifs sonores, un véritable trésor de musique de chambre. Pour leur bien et le nôtre, nos virtuoses ne feraient pas mal d’y puiser, à pleines mains.

Entre la toccata et la fugue, je ne vous apprendrai pas la différence. Tout le monde est censé savoir que la première est plus libre, qu’elle se permet la fantaisie et jusqu’à l’apparence de l’improvisation. Des lois plus rigoureuses régissent la seconde. En l’un et l’autre genre, deux siècles italiens ont été grands. Les nombreuses pièces que nous venons de lire témoignent de leur grandeur. Des maîtres même ignorés l’attestent. Qui savait seulement le nom, le joli nom, tout en diminutifs, d’un Azzolino Bernardine della Ciaja ? Et de Stradella connaissiez-vous autre chose que le fameux « air d’église, » dont il n’est pas l’auteur ? Je ne saurais trop vous engager à faire connaissance avec sa toccata — oui, celle-là vraiment sienne — en la mineur. Elle commence par des arpèges descendants, qui sont d’une rare magnificence. Assurément les deux Scarlalli, Alessandro et Domenico, le père et le fils, et le fils plus grand que le père, ne nous étaient point étrangers. Mais jusqu’ici n’aimions-nous pas seulement Domenico pour la finesse, l’élégance et l’esprit, pour la concision aussi de ses œuvres, pour un art qui consiste, — on l’a remarqué justement, — « à fixer dans une courte figure sonore un court moment sentimental ? » [3] A ces qualités un peu superficielles, d’Annunzio, déjà plus pénétrant, le d’Annunzio de la Léda sans le cygne, ajoutait la vigueur et la hardiesse. Que penserait-il de certaine fugue en sol mineur, avec son

  1. Chez Ricordi.
  2. Chez Ricordi.
  3. M. Luigi Alberto Villanis, dans L’Arte del Clavicembalo ; 1 vol. Torino, Frateili Bocca.