Page:Revue des Deux Mondes - 1921 - tome 62.djvu/688

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Gounod, des « coins, » où l’on prend plaisir à se reposer. Mais il y a de l’espace aussi, témoin certaine scène où la jeune fille entend accourir de loin, au galop de son cheval, Antar victorieux. L’arrivée du héros, et surtout son approche, est rendue avec une singulière puissance et pourtant ne doit rien à celle de Tristan, non plus qu’à celle d’Armand dans la Traviata.

En-résumé nous ne prétendons pas qu’Antar ait été pour les musiciens la cause d’une joie que d’aucuns estimèrent parfaite. Mais ils en ont du moins éprouvé ce qui, dans le langage de la piété, s’appelle une très grande « consolation. »

La voix de Mlle Fanny Heldy « Abla) parut trois fois inégale à son rôle : en puissance, en ampleur et même en hauteur. Il se pourrait que l’emploi de « grand soprano dramatique » dépassât les forces, vocales et autres, de la gracieuse artiste. Il y a dans Antar deux autres figures féminines : d’abord une suivante d’Abla, qui ne chanta pas mal et qui même prononça mieux que sa maîtresse. L’autre dame est la mère d’Antar. Elle ne paraît qu’un moment, à la fin du premier acte. Ce moment, en musique ou par la musique, est délicieux. Il l’est surtout à la lecture, parce qu’une interprète insuffisante nous l’a gâté, nous l’a fait perdre. Qu’importe, messieurs les directeurs de théâtre, qu’un tel rôle ne soit que de quelques pages, de quelques lignes, et pourquoi ne pas le mettre en valeur ? Dans le personnage de l’ami, je crois même du frère ou demi-frère d’Antar, M. Rouard a montré beaucoup, d’intelligence, de goût, et l’on dirait, si le mot était plus distingué, de distinction. Voilà trente-cinq ans tout juste que M. Delmas débutait à l’Opéra. L’éminent artiste soutient sans défaillir ce long et beau passé. Quant à M. Franz, (Antar), il ne me souvenait pas que sa voix magnifique unît à cet éclat cette égalité, cette douceur ; encore moins qu’au lieu de pousser et de hacher les sons, elle les liât ainsi. Au chanteur, à l’artiste, je ne connaissais pas cette délicatesse, ces demi-teintes, cette poésie. Mais je connaissais, dès avant Antar, la laideur, la lourdeur des décors qu’on nous « plante » aujourd’hui. Le style en est moderne peut-être et sûrement affreux. Et d’où vient que les cinq tableaux d’un drame qui se passe en Orient nous sont présentés dans les demi-ténèbres d’une éternelle nuit ? Enfin, au lieu d’un cheval de bois ou de carton, un vivant, à la condition d’être sage, eût fait plus d’honneur, sans la troubler, à l’agonie équestre du héros.

Salve, magna parens ! Un professeur à l’Institut royal de musique de Florence, M. Félix Boghen, vient de réunir en deux volumes un certain nombre de toccatas et de fugues pour piano, (à l’origine pour