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buveur, frissonne d’un charivari appelé Veuve joyeuse ou Beau Danube bleu...


Ah ! les bons cabarets d’autrefois, si plaisants,
Combien je les regrette !
Avec leur peu de bruit, leurs lambris reposants,
Leur lumière discrète.


Il y a, dans les poèmes de M. Ponchon, toute une poésie du petit café, qui certes ne donne rien de ce qu’on nomme Élévations ou Méditations, et qui ne contient pas une morale qu’on ait envie de répandre, mais qui, avec beaucoup de grâce et de courtoisie, enseigne pourtant quelques vertus, modestie ou modération, goût du silence et ponctualité.

Le ton s’élève, pour chanter le vin, le beau vin qui somnolait dans la grappe et qui s’éveille, comme une joie. Le ton s’élève rarement ; et la poésie de M. Ponchon, la plus jolie, a soin de voleter à demi-hauteur, tout près de nous.

Connaissez-vous M. Ponchon ? Vous aurez peut-être vu son portrait. M. Cappiello l’a représenté à la terrasse d’un café. M. Ponchon corrige ce portrait, qu’il n’approuve pas tout à fait, « bien que le génie y palpite. » Suis-je si gras ? demande-t-il ; et il ajoute qu’il n’en serait pas content. Il n’est pas maigre comme un loup, mais n’a point ce cou d’un taureau.


Et, qui m’a le plus contristé,
Vois-tu ? dans ta caricature.
C’est l’air dur que tu m’as prêté ;
Il n’est du tout dans ma nature...


Ces moustaches en croc, non pas ; cette mine si provocante, non pas !


C’est de moi beaucoup présumer,
Qu’un vol d’abeilles effarouche
Et qu’une rose fait pâmer.
Je n’ai pas non plus cette bouche
Dédaigneuse, je te promets !...
Et je n’ai pas non plus cet œil
De magistrat dans le prétoire.
Il est de bien meilleur accueil :
Viens y voir, si tu n’y veux croire !


Le portrait physique, insensiblement, devient un portrait moral ; et vous y remarquez ce caractère dominant, la bonhomie.

La bonhomie dans la manière et dans le ton, la bonhomie de l’intelligence