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chez les militaires qui l’ont exécutée. Et c’est avec justesse qu’un journaliste en vue, raillant l’inutilité des conseils de sagesse et des appels à la raison multipliés par certains de ses confrères, a pu dire que la nation n’en avait nul besoin, étant assez grande pour se passer de bonne d’enfant et de nourrice.

Est-ce la constatation de ce fait qui a enfin eu raison de l’intransigeance de M. d’Annunzio ? Il est infiniment probable qu’elle y est pour quelque chose. Sans doute s’était-il imaginé qu’il pourrait soulever l’Italie dans un élan d’indignation contre la violence dont il était l’objet et raidir Fiume dans un effort de résistance à outrance. L’attitude de la population italienne et de la population humaine, qui lui ont l’une et l’autre signifié qu’elles ne le suivraient pas, parce que l’une et l’autre étaient satisfaites par la solution du traité, lui a enlevé cette double illusion. Et en la lui enlevant, elle a fait s’écrouler son rêve. Persister à être indéfiniment plus exigeant pour eux-mêmes que les Fiumains et que les Italiens eût été d’un illogisme passant les bornes, en admettant que ce fût matériellement possible. Pour faire le bonheur des gens, il faut tout de même tenir compte un peu de leurs vœux.

C’est le 30 décembre que M. d’Annunzio s’est résolu à en tenir compte, en autorisant ses plénipotentiaires, le Syndic de Fiume et le ministre de la Guerre de la Régence, à souscrire aux conditions de soumission posées par le général Caviglia. Par le fait même il renonçait à mourir, ce qui est fort heureux, et à faire tuer les autres, ce qui ne l’est pas moins. Il a ratifié cette sage mais tardive résolution en termes peu courtois pour ses compatriotes. L’Italie ne méritait pas qu’il fit pour elle « la dépense de mourir. » Ce n’était pas la peine qu’il « sacrifiât sa vie au service d’un peuple qui ne se souciait pas de distraire même un instant sa gloutonnerie des ripailles de Noël. » Mauvais mot de la fin ; triste désaveu à des actes de bravoure, en considération desquels ses compatriotes ne lui tiennent pas rigueur d’une parole amère.

Les conditions de la convention intervenue entre ses mandataires et le commandant des troupes régulières sont en train de s’exécuter. M. d’Annunzio a abdiqué ses pouvoirs civils et militaires et dissous ses légionnaires, salués par lui d’une dernière proclamation qu’il a appelée un « Alala funèbre. » Tout permet d’espérer que le point final est mis à l’aventure de Fiume,