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réponse à cette troublante question, un vœu général s’est exprimé : pourvu qu’il ne fasse pas des siennes !

S’il a entendu ce vœu, le poète dictateur ne l’a, en tout cas, pas exaucé. Fiume n’ayant pas été partie au traité de Rapallo, il a prétendu ne pas le reconnaître. Fiume, c’est-à-dire lui. Car il est hors de doute que, si la population de Fiume eût été libre de ses décisions, elle eût accepté l’accord italo-yougo-slave dans le même esprit de conciliation où il avait été conclu. Mais, de la Régence qu’il avait créée M. d’Annunzio pouvait dire : l’Etat c’est moi. Maître de la ville par ses légionnaires, sa volonté faisait loi ; et sa volonté ne s’est pas inclinée devant un règlement intervenu en dehors de lui.

Son refus s’est manifesté sans délai par l’occupation des iles de Veglia et d’Arbe et de la position de Castua, laissées par le traité en dehors des limites de l’État de Fiume. Le gouvernement italien s’est ainsi trouvé mis au défi d’exécuter l’accord qu’il venait de signer, autrement dit de faire honneur à sa signature.

Le gouvernement royal a judicieusement mis à profit la période de réflexion qu’il avait laissée à M. d’Annunzio, pour s’assurer de la parfaite discipline du contingent italien d’occupation en Dalmatie et pour faire ratifier à Rome le traité de Rapallo. La discussion à laquelle cette ratification a donné lieu dans les deux Chambres a été pour le comte Sforza l’occasion de justifier son œuvre diplomatique et de rendre hommage a l’appui des Alliés. Le Ministre des Affaires étrangères n’a pas eu de peine à prouver que le traité donnait à l’Italie, entre le Brenner et la mer, une frontière alpestre qui complétait entièrement son unité géographique. Il a justement mis en lumière le danger qu’il y aurait eu à englober un plus grand nombre de Slaves dans les limites italiennes et a insisté sur les rapports de bon voisinage que l’arrangement conclu rendait possibles entre l’Italie et l’État serbe-croate-slovène. Quant aux concours des Alliés, « l’œuvre accomplie à Rapallo fut, dit-il, rendue moins ardue par l’appui cordial des gouvernements de France et de Grande-Bretagne, qui, jusqu’à la rivière ligure, firent parvenir aux Ministres serbes-croates-slovènes les recommandations les plus vives, dans l’intérêt même, d’ailleurs, du jeune royaume. C’est pour nous un agréable devoir d’en porter témoignage au Parlement et au pays : il est bon que ceux-ci le sachent, comme ils savent que, dans la crise adriatique maintenant