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Nitti, réduit à démissionner le jour de sa présentation devant les Chambres, ont fait diversion à l’entrevue interrompue et détourné d’elle l’attention. M. Trumbitch et M. Scialoja n’en avaient pas moins été en contact un ou deux jours. Leurs conversations n’avaient pu dépasser la phase initiale où chacun expose son point de vue. Mais, dans cet exposé même, des négociateurs tant soit peu experts savent bien discerner les points sur lesquels chacun est prêt à des concessions. Et par là la fugitive rencontre de Pallanza n’a pas été tout à fait inutile. De ce jour, on a eu lieu de penser en Italie qu’il y avait moyen, notamment, de s’entendre avec M. Trumbitch sur l’autonomie de Fiume.

Au ministère Nitti succéda le cabinet de M. Giolitti, où le portefeuille des Affaires étrangères fut confié au comte Sforza. Diplomate de carrière, partisan déclaré de l’alliance avec la France et l’Angleterre, sous-secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères sous le précédent gouvernement, le comte Sforza avait été ministre d’Italie auprès du gouvernement serbe pendant la guerre. Il avait toujours cherché à concilier les intérêts des deux pays ; il était favorable à l’établissement entre eux de rapports de bon voisinage et de collaboration, à condition d’assurer pleinement la sécurité de l’Italie, en obtenant pour elle sa frontière naturelle, et de sauvegarder la nationalité des principales agglomérations italiennes d’outre-Adriatique. C’est dire qu’il était acquis d’avance à la recherche directe d’un terrain d’entente avec les Yougo-Slaves, à la reprise des négociations interrompues à Pallanza ; en quoi il était d’ailleurs pleinement d’accord avec le nouveau président du Conseil.

Mais des difficultés extérieures et intérieures ont d’abord retenu l’attention du cabinet Giolitti. En Albanie a éclaté une insurrection générale. En Italie, des obstacles inattendus ont retardé ou empêché l’envoi à Vallona de renforts déjà tardifs. Cette situation a hâté une conversion qui était dans les intentions du président du Conseil italien. M. Giolitti tenait en effet pour la conception qu’il avait défendue au temps de la Triplice : l’Albanie aux Albanais. Cette politique, il ne la trouvait pas démodée dans les circonstances présentes et, si elle obligeait à renoncer au protectorat proclamé pendant la guerre et au droit à l’occupation militaire, il estimait que l’Albanie avait déjà coûté à l’Italie assez de milliards en pure perte. Son avis était