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le Rhône. En revanche, la pente plus rapide du Rhône permettra de capter plus aisément sa puissance hydraulique.

C’est vers 1879, alors qu’en France les pouvoirs publics commençaient à préparer les grands travaux de chemins de fer et de voies navigables, que le Rhin a commencé à être l’objet de vastes travaux pour son aménagement et pour l’organisation de grands ports fluviaux. Peu à peu, les chalands do 300 à 600 tonnes faisaient place à des bâtiments de 1 000 à l 200 tonnes, puis à des porteurs de minerais de plus de 2000 tonnes. Le fleuve recevait aussi de légers navires de mer et des allèges ou chalands pontés pouvant être remorqués en mer, ce qui permettait d’éviter la rupture de charge entre les ports de mer et les ports du Rhin. Le trafic, de la frontière suisse à la frontière hollandaise, faisait plus que de quadrupler, de 1885 à 1910. Le tonnage, ramené à la distance entière, était alors de 12 millions de tonnes, soit plus de quarante fois le trafic du Rhône. Dès 1903, le port de Duisbourg-Ruhrort présentait des bassins de 113 hectares ; ceux de Mannheim-Ludwigshafen couvraient 278 hectares alors que les surfaces d’eau de Marseille étaient de 150 hectares seulement. La progression des fortunes dans les villes prospères riveraines du Rhin, attestée par les déclarations pour l’impôt sur le revenu, et la progression des impôts perçus suivent une marche parallèle à celle de la navigation.

Sans prétendre que le Rhône puisse arriver, dès qu’il sera aménagé, à une semblable prospérité, il est certain que, s’il est joint au Rhin, il formera une moitié de la grande artère navigable unissant les deux mers, et qu’il recevra un tonnage incomparablement supérieur à son tonnage actuel.

Le transport vers le Midi des potasses et des autres produits de l’Alsace et de la Sarre, ainsi que le transport des marchandises de Marseille et de Cette vers la Suisse, pays d’importation et d’industrie, fourniront rapidement à la voie du Rhône un trafic important, dont une partie notable sera nouvelle et ne sera pas prise au chemin de fer.

Le Rhin lui-même, ainsi raccordé à la Méditerranée par le Rhône, s’il voit échapper le tonnage qui lui venait de la mer du Nord dans les conditions paradoxales que nous avons indiquées, profitera certainement de sa nouvelle situation d’artère de jonction entre deux mers, artère qui, sur toute sa longueur, traverse des pays extrêmement prospères ou appelés à le devenir.