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effet, comme voie internationale que le Rhône aménagé sera surtout utile, en permettant de réduire les frais de transport qui sont un des principaux éléments du coût des marchandises. Un seul exemple suffit à démontrer quels services peut rendre une voie de navigation prolongeant un port de mer vers l’intérieur du pays. Une très grande quantité de marchandises qui devraient normalement débarquer dans les ports de la Méditerranée, surtout à Marseille et à Gênes, allaient débarquer dans les ports de la mer du Nord, à Anvers, à Rotterdam, à Hambourg. De plus, ces ports conduisent les marchandises qui ont ainsi effectué ce long trajet maritime jusque dans des régions plus rapprochées de la Méditerranée que de la mer du Nord, par exemple en Suisse. En 1904, la Suisse recevait son blé d’importation de provenance lointaine :

1° Des Balkans et de Russie, à concurrence de 350 000 tonnes ;

2° Des États-Unis, à concurrence de 90 000 tonnes ;

3° De l’Amérique du Sud, à concurrence de 53 000 tonnes.

Or, le port de Rotterdam, à lui seul, en expédiait 180 000 tonnes, c’est-à-dire plus qu’il n’en arrivait des États-Unis et de l’Amérique du Sud. Il en résulte à l’évidence que des blés russes et balkaniques, au lieu d’emprunter la voie de terre, ou de débarquer à Marseille ou à Gênes, pour être conduits en Suisse, à quelques centaines de kilomètres de ces derniers ports, passaient par le détroit de Gibraltar, remontaient jusqu’à Rotterdam, et de là étaient dirigés sur la Suisse.

Cette anomalie, qui fait que des marchandises, dont Marseille serait le port de débarquement naturel, font un long parcours de mer par Gibraltar pour effectuer ensuite dans les terres un trajet plus long qu’il n’aurait à l’être depuis Marseille, ne peut s’expliquer que par l’existence d’excellentes voies de pénétration prolongeant vers l’intérieur des terres les ports de la mer du Nord. Les principales de ces voies sont le Rhin pour Anvers et Rotterdam, l’Elbe pour Hambourg. La situation changerait si les ports méditerranéens avaient, eux aussi, une bonne voie de pénétration vers l’intérieur pour les marchandises lourdes. Marseille et Cette deviendraient alors les ports de débarquement de la plus grande partie des marchandises de cette nature en provenance ou à destination de Suez, ce qui comprend tout l’Extrême-Orient et toute l’Afrique