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le 29 janvier [1]. On lui lisait, chaque jour, l’Évangile de saint Jean, l’Imitation. Un jour Constance l’entendit « répéter avec enthousiasme ce passage de l’Apocalypse : « A celui qui m’aura confessé devant les hommes, je lui ouvrirai une porte que nul ne pourra fermer ; » et, en disant cela, ses yeux brillaient d’un feu qui n’était plus de la terre ; il savait qu’il parlait pour lui [2].

Le Registre des lettres porte, au 5 février 1821, l’indication que voici : « Au comte de Balbe pour l’établissement des Jésuites à Chambéry : confidentielle [3]. » Le 24 février, Maistre consignait encore, de sa propre main : « A M. l’abbé de Lamennais, chez M. de Saint-Victor, rue du Cherche-Midi, numéro 15. » Au-dessous de cette mention, une main, — peut-être la sienne, — tirait à l’avance, sur le feuillet blanc du registre, trois ou quatre traits, en vue des mentions ultérieures ; mais ces lignes devaient demeurer vides.

Cette lettre à Lamennais, — la dernière lettre qu’ait écrite Maistre, — ne figure pas dans les Œuvres ; mais elle se trouve publiée, sans date, dans le volume du regretté Clément de Paillette : Livres d’hier et d’autrefois. Le second tome de l’Essai sur l’indifférence était récemment paru, et Maistre, en le lisant, s’était souvenu, non sans inquiétude, qu’autrefois les détracteurs de l’évêque Huet, pour affaiblir l’autorité de sa Démonstration évangélique, avaient tiré parti d’un autre de ses livres, sur la Faiblesse de l’esprit humain [4]. Sur son lit d’agonie, Maistre revenait à la charge, en écrivant à Lamennais : « Vous voulez saisir la raison sur son trône et la forcer de faire une belle révérence, mais avec quelle main saisirons-nous cette insolente ? Avec celle de l’autorité sans doute, je n’en connais pas d’autre que nous puissions employer : nous voilà donc à Rome, réduits au système romain et à ces mêmes arguments qui ne vous semblent plus rien... Prenez garde, monsieur l’abbé, allons doucement, j’ai peur, et c’est tout ce que je puis dire [5]. »

  1. Constance à M. l’abbé Rey, 21 janvier 1821 (lettre inédite communiquée par le P. Dom. de Maistre). — Constance à M. l’abbé Rey, 29 janvier 1821 (publiée par M. Latreille, Quinzaine, 16 juillet 1905, pp. 151-153).
  2. Constance à De Place, 28 mai 1821 « Latreille, loc. cit., p. 158).
  3. Il s’agissait de l’affectation de la somme laissée par le général de Boigne pour fonder un collège à Chambéry ; voir une lettre de la duchesse de Laval-Montmorency (Constance) du 2 mars 1881 (Études, 20 novembre 1910, p. 506).
  4. Œuvres, XIV. p. 236.
  5. Clément de Paillette, Livres d’hier et d’autrefois, p. 324.