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Le volume : Religion E, en 1805, nous le montre, préoccupé de battre les protestants avec leurs propres armes, c’est-à-dire avec des citations de leurs auteurs. Nous y trouvons un Mémoire que le 7 décembre 1805 Maistre remit à « M. le chevalier de H... » en vue de ce travail. Il sollicitait l’aide d’un catholique allemand, pour obtenir des citations de textes allemands ; il voulait des originaux « fidèlement transcrits, » et que le titre de l’ouvrage, le format, le chapitre et la page fussent cités avec une « exactitude superstitieuse ; » et ces exigences dénotent, chez l’auteur du Pape, une sévère méthode [1]. Il lui fallait, d’abord, des textes protestants favorables au catholicisme, et puis des textes « montrant l’embarras où se trouvent les Églises protestantes, faute d’avoir un point fixe. » Une autre série de citations devait avoir trait aux conséquences du protestantisme. Que devenait, en pays de Réforme, l’éducation ? Maistre réclamait des détails sur l’état de la moralité dans les universités ; et certains passages de ses écrits sur la Russie attestent qu’il les obtint [2]. Que devenait, en pays de Réforme, l’unité de la société civile ? Maistre ici, construisant une théorie, demandait des preuves empiriques :


L’effort inévitable du système protestant est de faire diverger l’opinion, et par conséquent de s’opposer à l’unité nationale, même dans les lettres et la philosophie. Dans un pays livré à ce système, on dira le pour et le contre sur des objets qui réunissent ailleurs les opinions. Les principes seront dans une fluctuation sensible ; un auteur, porté aux nues il y a vingt ans, aujourd’hui sera oublié, etc., etc. Si l’effet existe on doit s’en apercevoir, et si l’on s’en aperçoit on doit s’en plaindre. Il faudrait voir sur les lieux mêmes si cette mine mérite d’être creusée.


Et Maistre, enfin, voulait faire interpeller, sur les bords de la Sprée, philosophes et théologiens.


Les philosophes de l’Allemagne protestante ayant ouvertement attaqué le christianisme dans ces derniers temps, on désirerait dans ce genre une collection des traits les plus frappants. On désirerait surtout mettre dans tout son jour la secte de Kant et n’avoir à citer que les écrivains les plus marquants.

Mais les théologiens protestants sont bien autrement importants

  1. Voir à ce sujet Dudon, Études, 20 octobre 1906, p. 147-150.
  2. Œuvres, VIII, p. 192 et 271.