au Pape que sa résistance aux avances de Bonaparte serait avantageuse, en Russie, à l’Église catholique : elle était signée, nous dit Maistre, de « l’homme du monde catholique qui était le plus dévoué au Pape par son serment, » — apparemment le Père Gruber, général des Jésuites. L’auteur de cette épitre n’en reçut aucunes nouvelles et ne sut que plus tard qu’elle n’était point parvenue à destination [1]. Cependant les échos de Rome, ceux de Paris soulevaient dans l’âme de Maistre des colères que certainement il croyait saintes. « Je souhaite au Pape de tout mon cœur la mort, de la même manière et par la même raison que je la souhaiterais aujourd’hui à mon père, s’il devait se déshonorer demain. » Les « forfaits d’un Alexandre VI » lui paraissaient « moins révoltants que cette hideuse apostasie de son faible successeur. » Il parlait de l’ « ivresse » du Pape ; et « de tout son cœur » il eût voulu, — c’est au roi de Sardaigne qu’il l’écrivait, — « que le malheureux pontife s’en allât à Saint-Domingue pour sacrer Dessalines, et qu’il « se dégradât jusqu’à n’être plus qu’un polichinelle sans conséquence [2]. »
Mais dans une lettre de 1806 les sévérités s’atténuaient ; et lorsque en 1808 résonnait partout cette grande phrase : « Le Pape fera tout ce que Bonaparte voudra, » Maistre déclarait « penser bien autrement, » et croire le Pape « inébranlable. » Le détracteur de Pie VII était devenu son avocat ; l’avocat, en 1809, devint un admirateur, qui célébrait « l’intrépide conduite » du pontife. Quelle audace avaient eue les Anglais, de traiter Pie VII de marionnette ! Maistre protestait, oubliant son propre mot de polichinelle. Quant au sacre, il ne cachait plus désormais qu’à cet égard même il commençait d’excuser Pie VII comme le faisaient « les janissaires du Saint-Père [3]. »
Ces « janissaires, » c’étaient les Jésuites, maîtres de son adolescence, amis de son exil. « Eux seuls, avait-il écrit dès 1794, auraient pu empêcher la Révolution. » Et les voyant survivre à la ruine de leur ordre et fournir vingt et une victimes aux massacres de septembre, il les avait comparés à « ces animaux vivaces dont les membres, divisés par le couteau du physiologiste, semblent se partager la vie qu’ils possédaient en commun,