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de la monarchie, » — sont précisément « les moyens » qu’emploie Dieu a pour les en éloigner [1]. »

De journée en journée, Maistre avait vu la Providence punir tous les révolutionnaires « comme un tribunal humain, en faisant tomber les grands coupables sous les coups de leurs complices ; » il l’avait vue, par leur bras criminel, châtier un sacerdoce qui avait « besoin. d’être régénéré, » et châtier « la dégradation morale de la noblesse. » « Il est doux, disait-il, au milieu du renversement général, de pressentir les plans de la Divinité [2], » Et durant le quart de siècle qui lui restait à vivre, cette douceur allait atténuer les amertumes de sa vie.


II. — LA PRATIQUE RELIGIEUSE DE MAISTRE ÉMIGRÉ

Mais ces amertumes trouvaient un autre apaisement dans sa pratique religieuse. Ceux-là mêmes qui se refuseraient à sentir que les pages des Soirées sur la prière émanent d’une âme qui priait, doivent désormais s’incliner devant le Journal inédit.

« J’apprends que mon fils est arrivé sain et sauf à Genève, y lisons-nous à la date du 9 mai 1793 : j’en rends de vives et humbles actions de gracies à Dieu. » A certaines étapes de ses déplacements, — 13 juillet 1794, 17 mai 1798, 1er janvier 1799, — Maistre note les endroits où il entendit la messe. La première confession de son fils (12 février 1797), la première communion de sa fille et de son fils (21 décembre 1798, 25 mars 1801), sont mentionnées. De temps à autre, dans les pages consacrées au séjour en Russie, de mystérieuses petites croix s’ajoutent à la mention de certaines fêtes : elles commémorent vraisemblablement des communions. Xavier de Maistre, à son arrivée à Pétersbourg, fut tellement prêché et pressé par Joseph, qu’il finit par grouper sur une grande feuille de papier, « en têtes de colonnes, » comme il disait, ses péchés fondamentaux et par s’en aller à confesse, après de longues années de négligence [3].

Sur la première et la dernière Pâques que célébra Maistre en Russie, nous avons deux textes curieux. En 1804, il note :

  1. Œuvres, I, p. 24 ; I, p. 143 ; I, p. 117.
  2. Œuvres, I, p. 13-15, 21, 148 et 40.
  3. Voir à ce sujet dans Descostes, Joseph de Maistre avant la Révolution, II, p. 319-321, le curieux récit de l’humoriste genevois Petit-Senn.