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journalière ; qu’il accomplit scrupuleusement son lourd travail de souverain.

M’ayant fait asseoir près de lui, il tourne vers moi un regard d’attention sympathique :

— Maintenant, je vous écoute.

Je lui expose alors tout le programme de l’œuvre civilisatrice que la France a le dessein d’entreprendre en Syrie, en Cilicie et en Palestine.

Après s’être fait montrer minutieusement sur la carte les régions qui seraient ainsi dévolues à l’influence française, il me déclare :

— J’acquiesce à toutes vos demandes.

L’examen des questions politiques est terminé. L’Empereur se lève alors et me mène à l’autre bout de son cabinet, devant une longue table où s’étalent des cartes de Pologne et de Galicie. M’ayant indiqué la répartition générale de ses armées, il me dit :

— Du côté de la Narew et du Niémen, le péril est conjuré. Mais j’attache plus d’importance encore aux opérations qui sont engagées dans la région des Carpathes. Si nos succès continuent, nous serons bientôt maîtres des principaux cols, ce qui nous permettra de déboucher dans la plaine hongroise. Dès lors, notre action prendra une allure plus rapide. En longeant les Carpathes au Sud, nous atteindrons les défilés de l’Oder et de la Neisse. Nous pénétrerons par là en Silésie...

Sur ces paroles de bon augure, l’Empereur me congédie :

— Je sais que vous repartez ce soir. Mais nous nous reverrons à l’heure du thé. Si même vous n’avez rien de mieux à faire, je vous mènerai voir des tableaux cinématographiques qui représentent nos opérations d’Arménie et qui sont très curieux.

Il est deux heures et demie quand je quitte l’Empereur.


Après un bref entretien avec Sazonow, je me rends chez le généralissime, dont le train s’allonge à quelques mètres de là.

Le Grand-Duc me reçoit dans un cabinet spacieux et confortable, couvert de peaux d’ours et de tapis d’Orient. Avec sa franchise et sa décision habituelles, il me dit :

— J’ai à vous entretenir de choses graves. Ce n’est pas le Grand-Duc Nicolas qui parle à M. Paléologue, c’est le général en