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Lundi, 1er mars.

Ce matin, Sazonow nous prend à témoins, Buchanan et moi, de l’émotion que la question de Constantinople soulève dans toutes les classes du peuple russe :

— Il y a quelques semaines, nous dit-il, je pouvais croire encore que l’ouverture des Détroits n’impliquerait pas nécessairement l’occupation définitive de Constantinople. Aujourd’hui, je dois constater que le pays tout entier exige cette solution radicale... Or, jusqu’ici. Sir Edward Grey s’est borné à nous faire savoir que la question des Détroits devra être réglée conformément au vœu de la Russie. Mais l’heure est venue d’être plus explicite. Le peuple russe ne doit plus ignorer qu’il peut compter sur ses alliés pour la réalisation de sa tâche nationale. L’Angleterre et la France doivent déclarer hautement qu’elles accepteront, au jour de la paix, l’annexion de Constantinople à la Russie.

Le général Pau, qui, au début de la guerre, commandait l’armée d’Alsace et s’empara de Mulhouse, est arrivé à Pétrograd via Salonique, Sofia et Bucarest ; il est chargé de remettre des décorations françaises, à l’armée russe. Les impressions qu’il m’apporte de France sont excellentes.

J’offre ce soir un dîner en son honneur ; il communique à tous la confiance que respirent ses paroles et sa physionomie.



Mercredi, 3 mars.

Je présente aujourd’hui le général Pau à l’Empereur ; le général de Laguiche nous accompagne.

A une heure moins dix, le comte Benckendorff, Grand-Maréchal de la Cour, nous introduit auprès de Sa Majesté, dans un des petits salons de Tsarskoïé-Sélo. L’Empereur se montre, à son habitude, simple et cordial ; mais les questions qu’il pose au général Pau sur notre armée, sur nos approvisionnements, sur nos opérations, sont comme toujours banales et vagues. D’ailleurs, presque aussitôt, l’Impératrice, les quatre jeunes Grandes-Duchesses et le Césaréwitch font leur entrée avec la