Page:Revue des Deux Mondes - 1921 - tome 62.djvu/567

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ne fait qu’une brève allusion à la question des Détroits :

« Le jour approche où seront résolus les problèmes d’ordre économique et politique que pose désormais la nécessité d’assurer à la Russie l’accès de la mer libre. »

Les orateurs qui montent ensuite à la tribune précisent les aspirations nationales. Le député de Moscou, Evgraf Kovalewsky, affirme que la guerre doit mettre fin au conflit séculaire de la Russie et de la Turquie. On l’applaudit à tout rompre, lorsqu’il prononce :

« Les Détroits sont la clef de notre maison ; ils doivent donc passer dans nos mains avec les territoires des rives. »

De même, le leader des « cadets, » Milioukow, soulève l’enthousiasme de la salle quand il remercie Sazonow de ses déclarations :

« Nous sommes heureux d’apprendre que la réalisation de notre tâche nationale est en bonne voie. Nous sommes maintenant assurés que l’acquisition de Constantinople et des Détroits s’accomplira, au moment opportun, par des mesures diplomatiques et militaires. »

Pendant une sorte d’entracte, je cause avec le Président Rodzianko et quelques députés, Milioukow, Chingariew, Protopopow, Kovalewsky, Basile Maklakow, le prince Boris Galitzine, Tchikhatchow, etc. Ils rapportent tous de leurs provinces la même impression : ils m’affirment tous que la guerre a profondément ému la conscience nationale et que le peuple russe s’insurgerait contre une paix qui ne serait pas victorieuse, qui ne donnerait pas Constantinople à la Russie. Chingariew me prend à part et me dit :

— Ce que vous venez de voir et d’entendre, monsieur l’ambassadeur, c’est la vraie Russie et je vous certifie que la France a en elle une alliée sûre, une alliée qui dépensera jusqu’à son dernier soldat et à son dernier kopeck pour remporter la victoire. Mais encore faut-il que la Russie elle-même ne soit pas trahie par certaines cabales occultes, ... qui deviennent dangereuses. Vous êtes mieux placé que nous, monsieur l’ambassadeur, pour voir beaucoup de choses dont nous n’avons que le soupçon... Vous ne sauriez être trop vigilant.

Chingariew, député de Moscou, membre du parti « cadet, » médecin de profession, est un esprit distingué, un caractère