Page:Revue des Deux Mondes - 1921 - tome 62.djvu/563

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


XV. — UN TÉLÉGRAMME OUBLIÉ DU TSAR À l’EMPEREUR GUILLAUME


Dimanche, 31 janvier.

Le Messager officiel de Pétrograd publie le texte d’un télégramme, en date du 29 juillet dernier, par lequel l’empereur Nicolas a proposé à l’empereur Guillaume de soumettre le litige austro-serbe au Tribunal de la Haye. Voici le texte de ce document :

Je te remercie de ton télégramme conciliant et amical, alors que les communications faites aujourd’hui par ton ambassadeur à mon ministre étaient d’un tout autre ton. Je te prie de tirer au clair cette différence. Il faudrait soumettre le problème austro-serbe à la Conférence de la Haye. J’ai confiance dans ta sagesse et ton amitié.

NICOLAS.


Le Gouvernement allemand n’a eu garde de publier ce télégramme dans la série des messages directement échangés entre les deux souverains pendant la crise qui a précédé la guerre.

Je demande à Sazonow :

— Comment se fait-il que, ni Buchanan ni moi, nous n’ayons connu un document de cette importance ?

— Je ne le connaissais pas plus que vous ! ... L’Empereur l’a rédigé spontanément, sans demander l’avis de personne. Dans sa pensée, c’était un appel direct, un appel de confiance et d’amitié à l’empereur Guillaume ; il aurait repris sa proposition sous la forme officielle, si la réponse du Kaiser avait été favorable. Or, le Kaiser n’a même pas répondu... En classant, l’autre jour, les papiers de Sa Majesté, on a retrouvé la minute du télégramme. J’ai fait vérifier par l’Administration des télégraphes que le message est exactement parvenu à Berlin.

— C’est consternant de penser que nos gouvernements n’aient pas connu ce télégramme. Ç’aurait été d’un si grand effet sur l’opinion publique de tous les pays !... Songez donc : le 29 juillet, au moment où la Triple Entente redoublait d’efforts pour sauver la paix !

— Oui, c’est consternant.

— Et quelle effroyable responsabilité l’empereur Guillaume