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1897, la très belle Marie Viétrow, incarcérée à la forteresse de Pétropavlosk et violée dans sa cellule par un officier de gendarmerie, verse sur elle-même le pétrole de sa lampe et meurt incendiée. En 1901, Dora Brylliant fonde avec Guerchouny, Savinkow et Bourtzew la Voïennaïa Organizatsya, l’ « Organisation de combat, » et, le 17 février 1905, elle fait le guet au Kremlin de Moscou, afin que son camarade Kalaïew puisse lancer d’une main sûre la bombe qui va mettre en pièces le grand-duc Serge.

Il est naturellement très difficile d’être renseigné sur l’action répressive de la police et de la justice russes en matière politique. Les procès que le public apprend, de temps à autre, sont toujours enveloppés d’ombre ; le huis-clos est appliqué avec rigueur et la censure n’admet dans les journaux qu’une mention sommaire. Je pourrais néanmoins citer une vingtaine de femmes qui, au cours de ces dernières années, se sont signalées dans les complots et les attentats : Sophie Ragozinnikow, Tatiana Léontiew, Marie Spiridonow, Séraphima Klitchoglou, Zynaïde Konopliannikow, Lydia Stouré, Nathalie Klimow, Maroussia Binewsky, Lydia Ezersky, Sophie Vénédiktow, Catherine Ismaïlowitch, Hélène Ivanow, Anastasie Bitzenko, Marie Chkolnik, etc. Le rôle de l’élément féminin dans les conjurations terroristes est donc très important et souvent même décisif.

D’où vient l’attrait que l’action révolutionnaire exerce sur les femmes russes ? Elles y trouvent évidemment de quoi satisfaire les instincts profonds de leur âme et de leur tempérament, — leur besoin d’exaltation, leur pitié pour la souffrance des humbles, leur aptitude au dévouement et au sacrifice, leur culte de l’héroïsme, leur mépris du danger, leur soif d’émotions fortes, leur appétit d’indépendance, leur goût du mystère et de l’aventure, de la vie fiévreuse, excessive et insurgée.



Mardi, 26 janvier.

B... qui a la curiosité des simples et qui a beaucoup vécu à la campagne, me cite un mot expressif d’une paysanne, rencontrée naguère :

— C’était, me dit-il, à la grande Lavra de Kiew, un jour de pèlerinage. Devant la Porte sainte, j’avise une vieille femme, qui avait pour le moins quatre-vingts ans. Elle était toute