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d’aller non à l’Isle-Adam, comme vous l’aviez résolu, mais à la Bastille, et partout ailleurs où vous croirez que Sa Majesté aimera mieux que vous soyez, et où vous pourrez réparer les choses qui peuvent avoir déplu dans votre conduite ; ou bien continuer dans votre résolution, et j’écrirai tout cela au Roi, quand vous serez ici, et tout ce que vous croirez avec vos amis que je lui doive écrire ; ou bien, si vous le jugez à propos, j’irai à Fontainebleau et je dirai moi-même au Roi tout ce qu’il faudra lui dire là-dessus. »

Le 20 octobre, La Roche-sur-Yon arrive à Chantilly, semble animé d’un grand esprit de soumission, puis retourne à la cour, malgré les représentations de son oncle qui écrit à Louis XIV et colore de son mieux un retour aussi imprudent. La Roche-sur-Yon a cru plus respectueux d’aller recevoir les ordres de Sa Majesté. Le 25, on remarque le jeune prince à Fontainebleau, à la messe du Roi. Mais, le malin du 1er novembre, il part pour Paris et laisse une lettre très humble annonçant à Louis XIV qu’il se retire à l’Isle-Adam. Le 3, il revient à Chantilly, entre dans la chambre de son oncle, « d’un air dégagé, » prétend qu’il n’a pas consulté les princes de la maison de Lorraine, et se garde bien de nommer, écrit Condé à son fils, « les autres que nous savons qui lui ont donné les conseils. » Il est décidé maintenant. Il fera son principal séjour de l’Isle-Adam et viendra de temps en temps demander des avis.

Le surlendemain, le voici encore à Fontainebleau, étrange palinodie dont on rit à la table de Monseigneur. Et cependant La Roche-sur-Yon ne reparait pas afin de se montrer au Roi et aux courtisans ; il vient s’enfermer avec son frère, atteint de la petite vérole, alors si redoutable, dans l’hôtel que les Contis possèdent à Fontainebleau depuis 1651. Avant de se mettre en route, il dit à Condé que, n’ayant point d’ordre qui lui défende de revenir à Fontainebleau, il ne peut s’empêcher d’aller servir son frère, quand il le sait en péril.

Le malade ne l’y retient guère. Le 9 novembre, il s’éveille à cinq heures du matin en gémissant : « O ma tête, ma tête, que je souffre ! » A huit heures, il perd connaissance ; à neuf, il est mort.

« Quelle mort que celle de M. le prince de Conti ! s’écriait deux semaines plus tard, en rappelant cette fin tragique, Mme de Sévigné. Après avoir essuyé tous les périls infinis de la guerre de Hongrie, il vient mourir ici d’un mal qu’il n’a quasi pas ! Il est le fils d’un saint et d’une sainte, il est sage naturellement,