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Toute cette littérature saisie à Strasbourg sur le page Mercy, entre le fond et la coiffe de son chapeau ou dans la doublure de son justaucorps, et un peu plus tard sur un second courrier, n’avait pas valu à tous les criminels le châtiment qu’ils méritaient. Beaucoup de lettres n’étaient pas signées, et l’on n’avait pu reconnaître toutes les écritures ; mais l’exil de deux fils du duc de La Rochefoucauld, — le duc de La RocheGuyon envoyé à Verteuil près de Ruffec, le marquis de Liancourt relégué à Oléron, — en étaient des conséquences. Le marquis d’Alincourt avait dû partir pour une petite terre que le maréchal de Villeroy, son aïeul, possédait en Berri. Bien que Louis XIV eût déclaré qu’il « avait beaucoup de mépris pour les choses qui le regardaient dans ces lettres ; » « que, pour ce qui regardait les intérêts de Dieu et les impiétés, il en ferait assurément justice, » on citait ce mot du maréchal : « Mon petit-fils n’a médit que de Dieu et il pardonne ; mais les deux autres sont de grands impertinents : ils ont osé s’en prendre au Roi et à Mme de Maintenon ! »

Toujours chevaleresque avec les dames, Louis XIV avait annoncé qu’il « garderait le secret » à celles qui étaient compromises, et le nom d’aucune d’entre elles ne nous est parvenu. Nous savons seulement que la princesse de Conti était coupable, — de simples enfantillages, il est vrai. Elle avait écrit à son mari qu’elle s’ennuyait mortellement aux fêtes de la cour, qu’elle avait choisi une dame d’honneur sans consulter le Roi son père, de peur d’en recevoir une de Mme de Maintenon ; elle avait à répondre de cette phrase irrévérencieuse : « Le Roi se promène souvent et je me trouve entre Mme de Maintenon et Mme d’Harcourt (Mlle de Brancas, mariée à un Lorrain, le prince d’Harcourt), jugez si je me divertis. » La fondatrice de Saint-Cyr ne se laissa pas affecter par cette plaisanterie de pensionnaire, qui faisait voir au Roi, disait-elle, « quelque petite ingratitude pour lui et beaucoup de crainte de moi. » Elle ajoutait : « Cela ne m’empêchera pas d’aller toujours mon train ordinaire. » La pauvre princesse de Conti n’en dut pas moins obtenir son pardon par l’intermédiaire de celle qu’elle avait offensée, et s’entendre dire au milieu de ses larmes : « Pleurez, Madame, pleurez, car il n’y a point de plus grand malheur que de n’avoir pas un bon cœur. »

Dès le lendemain de la bataille de Gran (16 août 1685), le page