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pouvait de plus obligeant sur la naissance, les emplois, les actions, » le don dés « réparties promptes, plaisantes, jamais blessantes, le gracieux répandu partout, sans affectation ; avec toute la futilité du monde, de la cour, des femmes, et leur langage avec elles, l’esprit solide et infiniment sensé. » De graves défauts jetaient une ombre sur cette brillante figure. Au dire de Saint-Simon, le prince de Conti était « bas courtisan, » « avide de biens, ardent, injuste. » Il avait, de plus, un goût prononcé pour les plaisirs, et même pour la débauche.

Ces fâcheuses inclinations devaient lui attirer bientôt une première disgrâce. En attendant, le 8 février 1680, il est le parrain de Mlle de Clermont, petite-fille de Monsieur le Prince, et la princesse de Conti est la marraine. On les voit à la collation servie après le baptême, et à l’opéra, Proserpine, de Quinault, que l’on joue à l’hôtel de Condé, « sur un théâtre bâti par les fées, » au milieu des « enfoncements, des orangers tout chargés de fleurs et de fruits, des festons, des perspectives, des pilastres. » Rien n’égale la grâce légère de cette princesse de Conti, que La Fontaine a si bien rendue en deux vers délicieux :


L’herbe l’aurait portée, une fleur n’aurait pas
Reçu l’empreinte de ses pas.


Son mariage avec le prince de Conti, couronnement de fiançailles qui ont été le plus joli des romans, est vieux de deux mois à peine, et très vite, des bruits désobligeants courent sur le mari, et le prince de La Roche-sur-Yon semble les confirmer en disant tout haut un soir, au bal, pendant que sa belle-sœur danse : « Vraiment, voilà une fille qui danse bien ! » « Folie toute simple et toute brusque, raconte Mme de Sévigné, qui fait rougir le pauvre frère aîné et le défait à plate couture. »

Les mauvaises langues ajoutaient de scabreux détails. La princesse de Conti regardait d’un œil favorable son beau-frère La Roche-sur-Yon ; Conti avait trouvé sous l’oreiller de sa femme certaine lettre qui n’était pas pour lui ; et, quand le Roi avait voulu savoir comment cette lettre était arrivée là, on avait découvert que c’était par les soins de la marquise de Nangis. Or, la marquise de Nangis était amoureuse du marquis de Créqui, et le marquis de Créqui avait toute la confiance du prince de La Roche-sur-Yon.