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ceux qui en étaient capables ; il mettait les autres sur les faits de leur connaissance. On se trouvait à son aise avec lui et on en sortait satisfait. Sa conversation était délicieuse pour ceux qui savaient la goûter. Au fond, les pensées justes et solides, le jugement droit, les sentiments élevés ; au dehors, l’expression facile et noble, les tours ingénieux et délicats, souvent des traits vifs et des railleries fines, quelquefois un peu mordantes, un agrément singulier répandu sur son visage et toute sa personne. »


Vers 1678, les deux élèves de l’abbé Fleury touchaient presque à la fin de leurs études. Déjà le Dauphin, leur camarade, n’étudiait plus et « faisait figure d’un homme. » Mlle de Scudéry l’annonçait à Bussy le 24 juin 1678, et elle ajoutait que les princes de Conti allaient voyager. Voyager ! La princesse de Conti et ses amis de Port-Royal n’eussent guère recommandé pareille aventure à des enfants. M. de Saci n’avait-il pas coutume de répéter que « voyager, c’était voir le diable habillé en toutes sortes de façons : à l’allemande, à l’anglaise, à l’italienne, à l’espagnole, mais que c’était toujours le diable, crudelis ubique, » cruel partout et toujours. Madeleine de Scudéry se trompait. Un peu plus tard, elle mandait au même Bussy que le mariage de Mlle de Bourbon était « assuré avec M. le prince de Conti, qu’on dit, remarquait-elle, qui écrit comme vous, monsieur, c’est-à-dire mieux qu’homme du monde. J’ai vu de ses lettres entre les mains du grand prévôt (le marquis de Sourches), qui est de mes amis : elles sont surprenantes, il y a beaucoup d’esprit et de bon sens. »

Ce nouveau bruit était prématuré. Le 31 août 1679, le prince de Conti, celui qui devait mourir si jeune et n’avait pas alors dix ans devant lui, figurait bien dans un mariage, à la place du marié, mais, ce jour-là, c’était au nom du roi d’Espagne Charles II qu’il épousait à Fontainebleau Mlle d’Orléans. Il ne se maria pour son propre compte que l’année suivante, le 16 janvier 1680, avec Mlle de Blois, fille légitimée de Louis XIV et de Mlle de La Vallière.

Dix mois ne s’étaient pas écoulés depuis ce grand événement, que Fleury se retirait. Le 11 novembre 1680, il commençait l’éducation du comte de Vermandois âgé de treize ans et frère de la nouvelle princesse de Conti. Les noces du prince de Conti