Page:Revue des Deux Mondes - 1921 - tome 62.djvu/533

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Fleury usait parfois des gens, de la chaise à porteurs et du carrosse de Bossuet. Ainsi, en janvier 1693, la main de l’abbé a noté, de sa fine écriture, dans la colonne des dépenses : « Aux trois laquais de M. de Condom (Bossuet, alors évêque de Condom), quatre livres dix sols ; à son cocher, trois livres ; » en 1681 : Aux porteurs de M. de Condom, trente sols. » Faut-il s’étonner, quand on sait qu’il traduisait en latin l’Exposition de la doctrine de l’Église catholique, de son illustre ami, et toute sa vie « côtoya » Bossuet ?


Si l’on veut se donner une juste idée de la manière dont fut conduite l’éducation du prince de La Roche-sur-Yon, il n’est pas inutile de feuilleter le Traité du choix et de la méthode des études, que Fleury commença tandis qu’il élevait l’enfant. Ce petit livre, plein d’idées originales, fait songer quelquefois à l’une des œuvres les plus populaires de Fénelon, l’Education des filles. Fleury, d’ailleurs, fut l’ami de Fénelon. Il se rendit avec lui en Saintonge pour convertir les protestants, et, plus tard, lorsque Fénelon dirigea l’éducation du duc de Bourgogne, Fleury fut le sous-précepteur. N’allons pas croire cependant que l’excellent abbé ait l’imagination riante, la grâce tendre de l’archevêque de Cambrai. Un ferme bon sens, une solidité admirable, revêtus de style clair, habillés d’une jolie langue, imprégnés de la bonhomie affectueuse qu’aimait en lui La Harpe, voilà ses qualités. L’auteur du Traité des Études, de l’Institution du droit français (composé pour les princes de Conti), des Mœurs des Israélites (où se trouvent de poétiques descriptions de la vie pastorale), des Devoirs des maîtres et des domestiques, demeure fort loin des Fables, des Dialogues et du Télémaque.

Ce que Fleury désirait ne pas produire, c’est un soi-disant savant comme il en voyait éclore une foule autour de lui, dans les écoles, jeunes gens à qui il ne restait, au sortir du collège, qu’une compréhension médiocre du latin, quelques principes de grammaire, « une teinture de la fable, des histoires grecques et de l’histoire romaine, » de très confuses notions de philosophie, et qui croyaient n’avoir plus rien à apprendre, puisque, tels nos bacheliers d’aujourd’hui, « ils avaient fait leurs études. «  Fleury ne redoutait pas moins les brillants élèves arrivés aux