Page:Revue des Deux Mondes - 1921 - tome 62.djvu/532

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

actuel, donnant sur le parterre du Nord, belle enfilade de pièces sur les fenêtres desquelles se croisaient presque partout des rideaux de damas blanc et or. On entrait par la salle des gardes, par l’antichambre ; on pénétrait dans le cabinet décoré d’une tapisserie, clos de portières. Un velours vert et or descendait en rideaux de chaque côté de la fenêtre, recouvrait le lit de repos, les deux fauteuils, les six pliants. Plus loin, la grande chambre était séparée par un vestibule triangulaire de la chambre du donjon, où tenait garnison le terrible duc de Montausier.

Sans cesse, les princes de Conti se trouvaient auprès de leur cousin. En 1674, au moment de la seconde conquête de la Franche-Comté, ils jouent avec lui dans le jardin d’un maître des requêtes, près de Dijon. Trois mois plus tard, Monseigneur fait sa première communion à Saint-Germain, le 25 décembre, et La Roche-sur-Yon, ainsi que le veut le cérémonial, tient un bout de la nappe. Le 22 mars 1677, avec Bossuet et Montausier, accompagnés des pages, des enfants d’honneur et de quelques jeunes gentilshommes, le Dauphin et les princes de Conti vont à la Bibliothèque du Roi admirer les livres rares et les manuscrits enluminés, et Colbert, suivi de l’Académie des Sciences, se rend au-devant d’eux. Pendant le carnaval de 1679, nous les voyons déguisés en mages chez Monsieur ; les trois princes, dont le plus vieux a dix-huit ans, représentent les trois rois ; c’est La Roche-sur-Yon, le plus jeune, qui est le More. Soyons assurés que François-Louis se montre alors, comme il le sera toute sa vie, plein de déférence pour le Dauphin, dont il est le camarade, car il sait « allier le respect avec les manières les plus nobles et les plus aisées. »

Pour juger de l’intimité des précepteurs, Bossuet et Fleury, il suffit de jeter les yeux sur le livre de comptes de Fleury. C’est plus qu’un livre de comptes, c’est une sorte de journal impassible et naïf, où figurent, à côté des dépenses, les mentions les plus disparates. On lit, par exemple : « 1679, 11 novembre, Marie Citolle, ma mère, décéda le samedi, jour de saint Martin, à cinq heures du soir, âgée de quatre-vingt-deux ans et neuf jours, étant née le 2 novembre 1597. » Et plus loin : « 1682, 6 janvier, je perdis ma montre de dix écus. Le même jour, le feu prit à ma chambre ; la plupart de mon linge fut brûlé, entre autres une aube. »

A regarder de près ce curieux document, on constate que