Page:Revue des Deux Mondes - 1921 - tome 62.djvu/531

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

La physionomie noble, douce, spirituelle, les yeux vifs et riants qui me faisaient un plaisir singulier toutes les fois que je les rencontrais. Il entendait dès lors finement des vers qui paraissaient au-dessus de la portée de son âge. En travaillant à son instruction, je reconnus bientôt un esprit pénétrant, solide et suivi. Si je lui racontais une histoire, il voulait en voir la fin. Si je commençais un raisonnement, il demandait la conclusion et ne se payait que de bonnes raisons. Quoique son corps fût dans un continuel mouvement par la vivacité de l’âge et du tempérament, l’esprit ne laissait pas d’être attentif. Il comprenait et retenait ce que je lui avais dit dans le temps où ceux qui ne le voyaient qu’en passant l’auraient cru le plus distrait. »

Quatre jours après cette classe de Lancelot, le 27 février, Fleury, ayant pris le deuil de la princesse de Conti, et l’ayant fait prendre à son valet Pierre-Michel, « alla à Saint-Germain avec Leurs Altesses et entra en exercice. »

Nous n’avons trouvé nulle part le règlement que suivirent alors les princes ; mais une lettre de Fleury à l’abbé Cassagne (une des victimes de Boileau), qui le remplaça quelque temps, au mois de juillet 1676, permet de se rendre compte du programme de leurs études. Le latin, le catéchisme et l’histoire en étaient toujours le fond. Ils y ajoutaient le droit. Tandis que Conti lisait Tite-Live, expliquait Juvénal, La Roche-sur-Yon traduisait le De amicitia de Cicéron, et goûtait merveilleusement la finesse des odes d’Horace (il avait douze ans). Comme à son frère, on lui donnait des thèmes de la vie des Pères ; avec lui, il apprenait la logique et lisait Froissard, si amusant dans ses chroniques pareilles, suivant l’expression de Taine, « à une tapisserie du temps éclatante et variée, pleine de chasses, de tournois, de batailles, de processions, » où défilait devant lui un siècle, d’histoire de France. « On voyait, raconte Fleury, un grand courage dans cet enfant. Il voulait faire tout ce que faisait le prince de Conti plus âgé de trois ans. » Fleury nous a conservé plusieurs traits qui prouvent quelles étaient, dès l’enfance, la fermeté et la valeur du prince de La Roche-sur-Yon.

Il arrivait que le jeune prince étudiât avec le Dauphin, fit le même thème, et le fit bien, à la grande joie de Bossuet, dont l’indolent élève avait besoin d’émulation. Lorsque la cour était à Saint-Germain, le théâtre de ces luttes scolaires devait être l’appartement du Dauphin, au premier étage du château