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au Parlement de Paris, dès l’âge de dix-huit ans. Depuis lors, il vivait au milieu de ce qu’il y avait de plus savant et de plus cultivé dans la noblesse de robe.

C’était Bossuet qui l’avait encouragé à suivre sa vocation ecclésiastique. Lorsque le Roi le préféra à Fléchier pour lui confier l’éducation des princes de Conti, Bossuet consulté rendit le témoignage le plus favorable. Fleury logeait à ce moment chez Olivier d’Ormesson, dont il guidait le fils André dans ses études juridiques. Le père, apprenant que le Roi avait jeté les yeux sur l’abbé Fleury, se montra trop heureux « qu’il y eût dans la maison quelque chose qui fût agréable » à Sa Majesté, et se hâta de l’offrir.

Fleury fut retenu le 21 février 1672, et on lui promit mille livres d’appointements. Chaque mois, le trésorier des princes devait lui remettre vingt-quatre livres ou vingt-quatre livres seize sous, les mois de trente et un jours, pour la nourriture de son valet, trente sous pour son ordinaire de chandelle, et, pendant l’hiver, douze livres pour son ordinaire de bois. Le valet payait les frais de blanchissage, quatre livres par mois pour lui et pour son maître ; il achetait le bois et la chandelle, était chargé des menues dépenses, bas, gants, calottes, papier, etc., et recevait trente écus de gages.

Ce fut le 23 février que Fleury assista pour la première fois à la classe du vieux Lancelot. Nous ne savons ce que les enfants pensèrent de ce nouveau précepteur de trente-deux ans. On peut croire qu’il ne déplut pas. La tête petite, les joues rondes, le nez long entre les grands yeux pensifs, les cheveux sortant en boucles de la calotte noire, tel il se présente à nous dans ses portraits le plus sympathiquement du monde. Qu’il soit gravé par Gobert en soutane à vaste rabat, ou par Roussel en surplis à jabot, c’est toujours la même modestie dans l’attitude, et, sur le visage, le même air de bonté. On reconnaît bien l’homme dont Saint-Simon admirait u la douceur et la conversation charmantes, » le « désintéressement peu commun. » Olivier d’Ormesson vint, à la fin de la classe, chercher le précepteur dont il était l’ami ; il trouva aux princes « bien de l’esprit. »

Quelle impression Fleury garda-t-il de sa première entrevue avec le plus jeune de ses élèves ? La meilleure et la plus heureuse : « Le prince de La Roche-sur-Yon, qui n’avait pas encore huit ans, était le plus agréable enfant qu’on pût voir.