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diable qui gagne à cette mort, avait d’abord dit Mme de Sévigné, il va reprendre les petits princes. » Ces craintes n’étaient pas fondées, car on connut très vite les dernières volontés de la princesse. La tutelle des enfants était confiée à leur tante la duchesse de Longueville. La défunte insistait, dans son testament, pour que l’on ne congédiât pas ceux qu’elle avait placés elle-même auprès de ses fils, surtout du Trouillas, Lancelot, Lapejan, l’écuyer Tury, le trésorier Jasse, l’aumônier Vidone et le maître d’hôtel Arnaud.

Sur l’ordre du Roi, Lapejan et Lancelot conduisirent les princes à la cour, où ils devaient être élevés auprès du Dauphin. Mais, lorsque, le 26 avril 1672, M. de Roquette, évêque d’Autun, prononçant, dans l’église Saint-André-des-Arcs, l’oraison funèbre de la princesse de Conti, rappela avec quel soin admirable la pieuse femme avait toujours choisi ceux qui approchaient de ses enfants, il y avait déjà deux mois que toutes les dispositions de la morte se trouvaient renversées. La tutelle passait de Mme de Longueville, suspecte de jansénisme, à son frère le prince de Condé. Quant à Lapejan et à Lancelot, suspects bien davantage, et qui avaient refusé de conduire leurs élèves à la comédie, ils étaient remplacés, l’un par Alexandre de Piédefer, marquis de Saint-Mard, premier gentilhomme de Monsieur le Prince, l’autre par l’abbé Fleury, et deux jésuites, les Pères du Cerceau et de la Tour, avaient mission de donner l’instruction religieuse.


A défaut d’un homme de génie comme Bossuet, ou d’un grand écrivain comme Fénelon, précepteur vingt ans plus tard, du Duc de Bourgogne, c’était un prêtre remarquable que Louis XIV donnait aux princes de Conti orphelins. Claude Fleury n’avait pas encore la réputation qu’il eut depuis et qui s’est un peu effacée. Elle semble pâle aujourd’hui, comme le joli style très pur dont il enveloppait une pensée originale. En 1672, l’auteur des vingt volumes de l’Histoire ecclésiastique, la meilleure, selon Voltaire, qu’on eût jamais faite, n’avait publié aucun de ses nombreux ouvrages. Il était d’ailleurs très jeune. Né en 1640, fils d’un avocat au conseil originaire de Rouen, élève du Père Cossart, l’élégant latiniste, chez les Jésuites du collège de Clermont, aujourd’hui Louis-le-Grand, il avait été reçu avocat