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traité de fripon et de galopin ! Les trois enfants entendirent ensuite la messe ; dînèrent ensemble et demeurèrent longtemps nu-tête sur la terrasse.

De tels plaisirs recevaient l’approbation entière de la princesse de Conti. Elle avait certainement trouvé en Lancelot le parfait précepteur dont Nicole nous a laissé le portrait, dans son traité De l’éducation d’un prince. Lancelot, n’en doutons pas, était l’homme qui « juge sagement et équitablement de tout, » qui « propose ses jugements d’une manière agréable et proportionnée à ceux à qui il parle. » Sans en avoir l’air, et sans ennuyer jamais son disciple, il savait lui faire « une leçon à toute heure » et souvent l’instruire « autant dans le jeu, dans les visites, dans les conversations, dans les entretiens qu’on a à table avec ceux qui y sont présents, » que dans les livres.

Au-dessus des maîtres, la princesse conduisait toute chose. La sagesse, la piété, la tendresse, la fermeté « vraiment chrétienne, » de Mme de Conti qui « joignait l’autorité à la douceur, » et savait se faire craindre sans bruit et aimer sans affectation » émerveillaient Lancelot. C’était Blanche de Castille, avec plus de « lumières » et d’ « exactitude. » Désireuse avant tout de conserver l’innocence de ses fils, elle les faisait châtier à la moindre faute, ne mettait auprès d’eux que des valets de chambre très sûrs, formés et éprouvés chez elle, et choisissait les valets de pied, qui cependant n’approchaient presque pas des princes, « avec plus de précaution que beaucoup d’évêques n’en apportent pour donner un prêtre à l’Église. »

Cette « mère de l’Église, » comme l’appelle Mme de Sévigné, qui l’apercevait au sermon avec Mme de Longueville, quand elle allait « en Bourdaloue, » veilla bien peu d’années sur ses enfants. Elle leur fut enlevée dès l’âge de trente-cinq ans. Le 4 février 1672, à quatre heures du matin, depuis longtemps malade, elle mourait subitement dans l’hôtel qu’elle venait d’acquérir sur le quai, entre la rue Guénégaud et le Collège des Quatre-Nations. Mme de Sévigné a décrit, non sans émotion, « la désolation de la chambre, » la pauvre morte défigurée par l’apoplexie et par les remèdes, les larmes, les cris et les évanouissements des assistants, et, devant le cadavre de leur mère, deux petits garçons pleurant de tout leur cœur.

Que devinrent les malheureux orphelins ? « Il n’y a que le