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récitée, le Bongars. C’est un recueil de « lettres latines de M. de Bongars, résident et ambassadeur sous le roi Henri IV en diverses négociations importantes, » et il a cet avantage, si l’on en croit son traducteur, que l’on ne sort pas « de France pour apprendre ce qu’il y a de plus pur dans le langage de Rome, » « la brièveté de Tacite et l’éloquence du siècle d’Auguste. » Détail important, à une époque où l’on aime si peu à sortir de France en traduisant un auteur latin, que Trebatius et Pomponius deviennent M. de Trébace et M. de Pomponne. Lancelot prend le Bongars phrase à phrase en latin, puis il répète sa phrase en français, celle-ci par exemple : « Le duc de Nemours a fait passer de Paris à Lyon environ trois cents chariots chargés de meubles très précieux. Les duchesses de Guise et de Nemours ont fait la même chose ; mais on dit que ces dames ont eu l’agrément du Roi pour sortir de Paris, qui ne me parait plus une ville, mais un reste affreux de ce qu’elle était. » On croit entendre les deux enfants traduire ensemble, à haute voix. Lancelot, ainsi qu’il le dit lui-même à M. de Saci, relève les fautes ; il force ses élèves à trouver le mot propre, et, si le mot et le tour de l’auteur leur échappent, à mettre des équivalents. Ce qui, chaque fois, leur apprend trois ou quatre mots au lieu d’un. Puis il dicte la phrase, et, comme La Roche-sur-Yon est encore trop petit, c’est Conti qui tient la plume et qui écrit : « Nemursius ad 300 currus pretiosissimis rebus refertos Lutetia Lugdunum versus amendavit. Idem Guisia et Nemursia feminæ fecerunt. Sed has aiunt cum bona Regis venia excessisse urbe : quæ mihi sane non urbs, sed cadaver urbis videtur. »

Si Lancelot, qui admire la « brièveté » de Bongars, a jamais fait traduire ce passage à ses élèves, il n’a pas dû manquer de louer la concision de son auteur, dont on a rendu le pittoresque et bref cadaver urbis par la longue et noble périphrase un reste affreux de ce qu’elle était.

Le maitre passe alors à une autre phrase ; les enfants l’appliquent à d’autres sujets, par une sorte de thème d’imitation, et apprennent par cœur le latin de M. de Bongars. On se délasse de cet exercice, qui dure environ une heure, en écrivant un exemple. « Après l’exemple, M. le prince de Conti apprend quinze ou vingt vers de Virgile par cœur, car on ne le contraint point. Quand il est de bonne humeur, il en apprend trente et