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ont admiré les cheveux blonds, célébré la raison et l’esprit, adorait son bizarre époux. Les lettres qu’elle lui adressait en 1654, au lendemain de son mariage, alors qu’il commandait l’armée du Roi en Catalogne, se terminaient fort tendrement, et il s’y ajoutait quelquefois des post-scriptum passionnés : « Adieu, mon très cher : je t’aime plus que ma vie et je t’embrasse de tout mon cœur, mon tout et mon aimable enfant. — P.-S. Il faut que je vous dise encore que je vous aime de tout mon cœur et que je me meurs d’envie de te voir, mon cher mari. »

Le couple converti multipliait les bonnes œuvres. En 1662, pour secourir les pauvres pendant le rigoureux hiver, la princesse donnait deux cent mille livres de pierreries et un collier de quarante mille livres. Sacrifice cruel ! Malgré sa sainteté, elle n’avait pu s’empêcher, en jetant un dernier regard sur le beau collier, de pousser un soupir.

Il arrivait même au prince et à la princesse de Conti de faire des retraites dans la ville d’Alet en Languedoc : petite ville épiscopale bâtie à l’entrée d’un pays rude, presque sans routes, dans une haute plaine entourée de montagnes s’étageant vers le Midi par delà la frontière espagnole, un de ces évêchés « crottés et maudits, » dont on disait alors : Beati qui habitant urbes, exceptis Saint-Papoul, Alet et Lombez !

La dernière de ces retraites eut lieu un an après la naissance de François-Louis, au printemps de l’année 1665. Ils passèrent l’été à Noisy ; puis, en novembre, se rendirent à Béziers, car le prince devait présider les États du Languedoc dont il était gouverneur. De santé toujours chétive, très malade à Paris l’année précédente, Conti avait médiocrement supporté les fatigues du voyage ; il ne supporta pas mieux celles des Etats, et alla se reposer chez lui, à côté de Pézenas, à la Grange des Prés. Le château était une des beautés du Languedoc. On admirait ses magnifiques appartements, ses grandes cours, ses jardins, ses parterres, ses orangers, ses palissades de grenadiers, de lauriers, de cyprès, de pins, d’arbres rares, ses bassins de marbre, ses eaux jaillissantes et sa situation délicieuse. Bâti en 1588 par Henri Ier, duc de Montmorency, passé en 1614 au duc Henri II, confisqué après la révolte et l’exécution de celui-ci, dix-huit ans plus tard, il avait été laissé en 1633 par Louis XIII à l’une de ses sœurs, Charlotte, princesse de Condé, mère du Grand Condé et du prince de Conti.