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dit Don Juan à Sganarelle, il n’est rien de si doux que de triompher de la résistance d’une belle personne ; et j’ai, sur ce sujet, l’ambition des conquérants, qui volent perpétuellement de victoire en victoire. » « Cela ne m’empêche pas, écrivait Conti au duc de Candale, d’espérer de faire quelques conquêtes à Paris, après avoir été de province en province rangeant des dames sous mes lois. » On l’avait vu à la cour tantôt en « habits éclatants, tantôt vêtu du costume des clercs ; « puis il avait quitté l’élégante soutane d’abbé mondain qu’il avait d’abord espéré couvrir de la pourpre. Pendant la Fronde, ses injustices et ses violences, non moins que ses autres excès, avaient scandalisé le Royaume. Ayant accepté, pour rentrer en grâce, le plus intéressé des mariages avec la nièce de Mazarin, (il épousait, assurait-il, le cardinal et point du tout une femme), le prince avait continué ses folies amoureuses, apporté à sa fiancée une santé à jamais perdue. Comme Don Juan il s’était converti tout à coup ; mais, contrairement au personnage de Molière, avec une sincérité parfaite.

C’était Pavillon, le saint évêque d’Alet, qui avait été l’instrument de la grâce. Pavillon avait changé ce prince si gâté de vices en un rude pénitent, porteur du cilice, jeûneur rigoureux, entendant la messe chaque jour, et tout entière à genoux. Conti avait commencé à réparer les dommages causés en France par ses troupes. Les conseils de son confesseur, l’abbé de Ciron, l’avaient fait renoncer, à quarante mille écus de pensions qu’il s’était réservés sur ses anciennes abbayes, et son oncle Mazarin, effrayé d’un aussi dangereux désintéressement, avait songé à mettre le confesseur à la Bastille.

Conti ne s’était pas arrêté dans sa pénitence. Il avait payé ses dettes, retranché de son domestique le superflu, « chose si nécessaire, » et, dans une lettre d’une humilité extrême, demandé pardon à M. de Calvimont de lui avoir pris sa femme. Zélé comme un apôtre, intolérant comme un néophyte, il composait un traité sur les Devoirs des Grands, et cet ouvrage contre la comédie et les spectacles qui prend à partie les pièces de Corneille et condamne même Polyeucte. « Il aurait mieux fait, dit Voltaire, d’écrire contre les guerres civiles. »

Devant de tels exemples, la princesse de Conti, longtemps « honnête païenne, » s’était sentie transformée jusqu’au fond de l’âme. Il est vrai que la douce créature dont les contemporains