Page:Revue des Deux Mondes - 1921 - tome 62.djvu/466

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pas explicitement la première de celles sur lesquelles on disait s’être mis d’accord à Paris, la prolongation de l’occupation ? Si les mesures douanières qu’on pourra prendre sur la rive gauche doivent cesser dans les délais prévus par les articles 428 et 429 du Traité, elles risquent d’avoir pour effet de mécontenter les populations, sans nous garantir un rendement appréciable. Supposons même que nous généralisions en Rhénanie les perceptions des recettes que nous y avons sous la main : ressources fiscales de toutes sortes, douanes, forêts domaniales, mines, chemins de fer ; nous n’arriverions guère à toucher qu’un maximum de quatre ou cinq cents millions de marks or par an. Au bout de cinq, dix et quinze ans, nous serions donc fort loin d’être remboursés de notre créance et nous resterions à découvert, sans la moindre sûreté pour ce qui nous resterait dû.

Quant au produit de la taxe imaginée par M. Lloyd George, prélèvement sur le prix de vente des marchandises allemandes dans les pays alliés, il est difficile d’indiquer, dès maintenant, des chiffres même approximatifs. Pour l’instant, les sanctions prises ont donc une puissance coercitive, plutôt qu’une valeur de gage. Si nous voulons être payés, il sera nécessaire de les améliorer, de les compléter, et de les faire durer. Que l’accord des Alliés se maintienne, qu’ils ne se relâchent plus de leur fermeté, et peut-être l’Allemagne elle-même reviendra-t-elle à la raison. Mais, s’il lui arrive, un jour ou l’autre, de nous faire des propositions acceptables, demandons-lui des garanties qui s’évaporent moins vite que ses promesses. Rappelons-nous le proverbe allemand : Trau, schau wem ! C’est ainsi, ou à peu près, qu’on prononce au delà du Rhin, notre vieil adage : Défiance est mère de sûreté. Il est encore plus vrai sur la rive droite que sur la rive gauche.


RAYMOND POINCARÉ.


Le Directeur-Gérant

RENÉ DOUMIC.