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la vérité un défi qu’a osé renouveler M. Fehrenbach et qu’il était temps de relever.

M. Lloyd George a eu grandement raison d’affirmer que cette attitude de l’Allemagne était intolérable et qu’elle avait pour conséquence la destruction des fondements mêmes du Traité. Mais nous ne devons pas fermer les yeux à l’évidence. Il n’y a qu’un très petit nombre d’Allemands qui reconnaissent, comme M. de Gerlach, la responsabilité de leur pays, et je n’en vois guère qu’un qui ose, de temps en temps, prendre ouvertement la défense de la France : c’est M. Maximilien Harden. Dans la Zukunft du 5 février, avant de citer un passage d’une de ces chroniques de quinzaine, il avait la franchise de dire que, dans l’été de 1914, le Président et le Gouvernement de la République française avaient eu recours à tous les moyens imaginables pour assurer le maintien de la paix. M. Maximilien Harden ajoutait, il est vrai, que nous n’avions pas agi « par sentiment pacifiste, » mais parce que nous redoutions la supériorité de l’Allemagne et aussi parce que nous n’étions pas assurés de l’intervention de l’Angleterre. Mais M. Harden n’est-il pas mieux à même de juger les faits que les mobiles ? Les faits sont là, patents ; la France a tout tenté, pour éviter la guerre. Les mobiles sont plus élevés que ceux que M. Maximilien Harden nous attribue. Assurément, nous connaissions la puissance militaire de l’Allemagne ; assurément, jusqu’à l’avant dernière heure, nous n’avions pas la certitude que l’Angleterre nous prêterait son concours, et c’étaient là, sans doute, des raisons suffisantes pour que le Gouvernement de la République redoublât de prudence. Mais, en outre, la France était profondément pacifique et il n’y avait pas un seul de ses représentants qui ne le fût autant qu’elle. Tout ce qu’a imaginé l’Allemagne pour plaider sa propre innocence et pour ruiner, comme l’a dit M. Lloyd George, les bases juridiques et morales du traité de Versailles, n’est qu’imposture et comédie, et le Premier ministre britannique a fait œuvre d’honnête homme et de justicier en flétrissant publiquement, dans son admirable réquisitoire, la mauvaise foi de l’Allemagne. Il a vengé, en quelques paroles décisives, la civilisation et l’humanité.

Comme il fallait s’y attendre, son discours a été accueilli en Allemagne par des cris de fureur. « Les paroles de M. Lloyd George, a écrit la Deutsche Zeitung, sont un mélange empoisonné de mensonges, de déformations de la vérité, de violences brutales, d’impudence, d’hypocrisie, de calomnie et de basse raillerie. Mais cette attitude met fin au traité de Versailles. La situation est aujourd’hui