Page:Revue des Deux Mondes - 1921 - tome 62.djvu/459

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

puisque nous l’avons pratiqué au jugé, forfaitairement, avant de connaître le montant de nos dommages, et qu’il nous a été, par conséquent, impossible de mettre nos sacrifices en lumière. Au contraire, le chiffre des annuités, maladroitement grossi par un optimisme éphémère, a été, tout de suite, qualifié de monstrueux par l’Allemagne, et la nouvelle concession que nous faisions au Reich a, comme toutes les autres, fortifié sa résistance.

Si vraiment le langage de M. Simons a paru surprising à Londres, c’est qu’on avait oublié ses innombrables discours des semaines précédentes. Au moment de partir pour l’Angleterre, ne disait-il pas encore au Conseil économique de l’Empire : « S’il se confirmait qu’à Londres il ne s’agirait de rien changer aux décisions de Paris, mais seulement d’en organiser l’exécution, alors nous ferions le voyage en vain, car je crois, aujourd’hui comme hier, que l’exécution de ces décisions est complètement exclue. »

Voilà les dispositions dans lesquelles M. Simons se trouvait, lorsqu’il est venu à Londres, et malheureusement elles n’ont pu être modifiées par la fâcheuse résolution que la Conférence venait de prendre, avant qu’il eût débarqué en Angleterre. Les Alliés, désavouant leur précédente détermination, avaient admis, conformément aux désirs de l’Allemagne et contrairement à l’avis du général Le Rond, président de la commission interalliée de la Haute-Silésie, que les émigrés allemands voteraient le même jour que les électeurs du pays. D’ici au 20 mars, vont donc arriver, par dizaines de mille, tous les Allemands nés en Haute-Silésie et ayant quitté la province. Ils seront solidement enrégimentés par le Reich, obéiront tous au même mot d’ordre et tâcheront de terroriser la population locale, particulièrement les femmes, puisqu’elles sont électeurs, en les menaçant de représailles. Il peut se produire des troubles, des conflits, des rixes. Plébiscite rendu impossible dans certains secteurs, plébiscite contesté ensuite en raison des conditions dans lesquelles il aura eu lieu, plébiscite artificiellement influencé, aucune de ces hypothèses n’est invraisemblable. La décision de Londres risque de faire perdre à la Pologne certains districts de l’Ouest et de rendre à l’Allemagne tout ou partie de cette puissante usine industrielle et militaire que représente pour elle la Haute-Silésie. Lorsque M. Simons a mis à ses contre-propositions financières l’insolente condition que la Haute-Silésie serait laissée au Reich, il y était implicitement encouragé par la malencontreuse décision que les Alliés avaient prise au début même de la Conférence.