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que le total des livraisons d’août septembre et octobre 1920, n’a pas atteint six millions de tonnes, les Alliés procéderaient à l’occupation d’une nouvelle partie du territoire allemand, région de la Ruhr ou toute autre. » Les Allemands ont naturellement commencé par exécuter les conditions bienveillantes qui leur étaient faites ; ils ont touché les primes et les avances ; puis ils se sont peu à peu relâchés dans l’accomplissement de leurs obligations ; ils n’ont pas livré les charbons « classés et qualifiés » qu’ils devaient ; ils sont même restés, de plus en plus, au-dessous des quantités fixées et, à l’expiration des six mois, ils n’étaient pas en règle avec la convention dont ils avaient recueilli les avantages. Nous n’avons cependant occupé ni la Ruhr, ni aucune autre région.

L’article 235 du traité prescrit qu’avant le 1er mai 1921, l’Allemagne versera aux Alliés une provision de vingt milliards de marks or, à valoir sur sa dette de réparations. Le Reich prétend aujourd’hui qu’il a payé la totalité de ces vingt milliards. Vérification faite, la Commission des réparations déclare qu’il n’en a payé que huit. Il reste donc débiteur, pour le 1er mai, de douze milliards. C’est au moment où il subsiste un arriéré aussi important sur le versement de cette première provision que les Alliés, réunis à Paris, ont cru bon d’accorder à l’Allemagne, par une révision implicite du Traité, un rabais énorme sur le montant de leur créance.

Ni à Boulogne, ni à Paris, on n’a d’ailleurs clairement tranché la question de savoir si les vingt milliards à verser avant le 1er mai seraient ou ne seraient pas imputés sur les annuités que l’on se proposait de demander à l’Allemagne ; et, d’autre part, on a réglé le jeu de ces annuités avant que la créance elle-même eût été fixée. Il a été entendu qu’à cet égard, la Commission des réparations conserverait, théoriquement du moins, ses prérogatives. Elle reste chargée d’évaluer la créance avant le 1er mai, et effectivement elle sera en mesure de procéder à cette évaluation. Mais à quoi servirait ce travail, si le principe des accords de Paris était maintenu ? Pas à grand’chose. Supposez, par exemple, que la Commission accepte comme justifiées les demandes additionnées des divers Étals alliés et qu’elle fixe ainsi la créance à tant de centaines de milliards de marks. On constatera qu’entre ce chiffre et le capital correspondant aux annuités envisagées par les conférences de Paris et de Londres il y a un écart formidable, et que nous avons nous-mêmes fait subir à notre créance une cruelle amputation. Mais nous ne tirerons plus aucun profit, vis-à-vis de l’opinion allemande, de cet énorme rabais,