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15 mars 1921

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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE [1]

La leçon nous servira-t-elle ? Journaux et agences nous ont appris qu’en écoutant, à Londres, les premières contre-propositions allemandes, quelques-uns des Alliés avaient éprouvé une surprise, un étonnement, une stupéfaction, dont ils n’avaient pu s’empêcher de faire part à M. Simons et à la presse des deux mondes. Ce qui est arrivé n’était cependant pas difficile à prévoir, et notre conduite passée n’a pas été sans influence sur la conduite présente de l’Allemagne.

Je ne fais pas ma lecture habituelle de La Harpe. Je sais pourtant de lui un vers que Chateaubriand cite dans les Mémoires d’Outre-Tombe et qu’on pourrait adresser aux Alliés à propos des Allemands :


Mais s’ils ont tout osé, vous avez tout permis.


La Commission des Réparations, qui avait été instituée par le Traité, avec mandat de fixer notre créance et d’en assurer le recouvrement, inspirait à l’Allemagne une crainte salutaire. Les Alliés ont jugé à propos d’effeuiller, une à une, toutes ses attributions. Tantôt les experts de la Commission ont été tenus à l’écart, tantôt ils ont été conduits en laisse de conférence en conférence. Les Allemands se sont accoutumés à voir détruire par les Alliés eux-mêmes une des organisations essentielles du Traité et, du moment où nous leur donnions l’exemple de déchirer le pacte que nous leur avions fait signer. Ils en ont naturellement conclu qu’ils en pouvaient faire autant.

Les clauses militaires, navales et aériennes, inscrites dans la partie V du Traité, avaient une importance capitale ; elles étaient destinées à mettre l’Allemagne dans l’impossibilité de reprendre la politique

  1. Copyright by Raymond Poincaré, 1921.