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REVUE DRAMATIQUE


Vaudeville : La Tendresse, pièce en trois actes de M. Henry Bataille. — L’Œuvre : Les Scrupules de Sganarelle, pièce en trois actes de M. Henri de Régnier.


Un vieil homme qui renonce à l’amour, à l’instant précis où l’amour le quitte, tel était le sujet de la dernière pièce jouée au Vaudeville. C’est encore le thème de la pièce qui lui succède sur l’affiche du même théâtre. Dans les Ailes brisées, un père cédait la femme aimée à son fils, et lui souhaitait bonne chance dans la carrière d’où lui-même se retirait. Dans la Tendresse, un amant à la moustache grise s’efface devant un jeune amant sans barbe et lui donne sa bénédiction, accompagnée de forts droits d’auteur, il n’y a là ni imitation, ni emprunt, cela va sans dire. L’analogie n’en est que plus curieuse. C’est donc que le sujet est dans l’air et qu’à la date où nous sommes, nul sujet ne paraît plus palpitant à nos auteurs dramatiques les plus en vogue que ces démissions et ces renoncements baignés de larmes.

Barnac est un auteur dramatique illustre, à qui le théâtre a rapporté fortune, honneurs et le reste. Il est président de la Société des auteurs, il est membre de l’Académie française. Dans son luxueux cabinet de travail flottent de violents parfums. Et puisque, dans cet intérieur peu canonique, il reçoit une visite de candidat, il est inévitable que ce soit celle d’un prélat, Mgr de Cabriac. Conversation assez banale, et, l’évêque à peine parti, voici venir, dans sa grâce capiteuse, celle dont on respire partout l’odeur chez Barnac. Lui-même nous dira tout à l’heure que chaque soir, sa journée faite, il s’accoude è sa fenêtre, regarde, regarde, jusqu’à ce qu’il aperçoive un point noir qui peu à peu grandit, une silhouette lointaine