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étrangers et qui est curieux, car il touche à une importante question d’optique, non encore résolue. Cette question est la suivante : les rayons lumineux des diverses couleurs se propagent-Us dans le vide rigoureusement avec la même vitesse ? Autrement dit, et pour parler le langage des physiciens, y a-t-il une dispersion de la lumière dans le vide ?

Arago s’était déjà posé cette question, et il l’avait résolue par la négative au moyen du raisonnement suivant : Si, disait-il, les rayons des diverses couleurs progressaient dans le vide interstellaire avec des vitesses différentes, les rayons qu’une étoile comme Algol nous envoie au moment de son minimum ne nous arriveraient pas tous en même temps. Par conséquent, la proportion des rayons des diverses couleurs qui nous viennent de l’étoile changerait, et avec elle la couleur même de l’étoile. Or, on n’a rien constaté de pareil.

Cette dernière affirmation d’Arago était exacte à son époque, mais cela provenait seulement, comme nous l’avions établi, de la grossière imprécision des méthodes employées naguère pour apprécier la couleur des étoiles.

Au moyen d’une méthode nouvelle infiniment plus exacte, et qui permet d’apprécier à chaque instant la proportion des rayons de diverses couleurs reçues d’une étoile (on a appelé cette méthode photométrie stellaire hétérochrome) nous avons constaté, contrairement à l’opinion d’Arago, qu’un grand nombre d’étoiles variables, et Algol en particulier, changent légèrement de couleur pendant leur variation. Ce phénomène qui a été, depuis, reconnu général, ne prouve pas nécessairement que les rayons des diverses couleurs se propagent avec des vitesses différentes dans le vide, car il peut être causé, comme on l’a montré, par l’absorption des atmosphères de ces étoiles. Mais il prouve en tout cas que le raisonnement classique sur lequel on se fondait pour nier la dispersion de la lumière dans le vide n’est pas exact. Par conséquent, la question de savoir si cette dispersion existe ou non reste pendante.

Ajoutons qu’en dehors des étoiles du type Algol dont on connaît maintenant un assez grand nombre, de ces étoiles doubles qui sont dans l’océan ténébreux du Cosmos comme des phares à éclipse, la méthode spectroscopique, la méthode des vitesses radiales que nous avons décrite ci-dessus a permis d’en découvrir d’autres presque aussi curieuses. Ce sont des étoiles dont l’éclat est rigoureusement fixe, qu’on croirait a priori des soleils solitaires et immobiles et qui sont en réalité, comme Algol, des systèmes constitués par deux