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confirmé depuis à l’étranger), tandis que celle de la surface incandescente du soleil n’est que de 6 000 degrés environ.

On en déduit facilement qu’Algol est un flambeau céleste infiniment plus brillant que le soleil. Bien que les deux astres aient à peu près les mêmes dimensions, il faudrait environ vingt-cinq soleils pareils au nôtre et côte à côte pour nous envoyer autant de lumière qu’Algol. Par où l’on voit que, si notre flambant soleil se trouvait à la distance qui nous sépare d’Algol, nous aurions bien de la peine à apercevoir sa lumière qui, parce qu’elle est près, nous jette tant de poudre aux yeux.

De ce qui précède nous avons été amené à déduire par le calcul que le satellite obscur dont l’interposition éclipse, tous les deux jours, le phare algolien n’était peut-être pas si obscur que cela et qu’il était parfaitement possible que ce satellite ne fût obscur que relativement, et que son éclat fût en réalité au moins égal à celui du soleil. Ces prévisions théoriques, encore que contraires à ce qu’on pensait auparavant, ont été récemment et expérimentalement confirmées de la façon la plus imprévue et la plus brillante par un astronome américain, M. Stebbins, au moyen du photomètre à sélénium ultra-sensible, décrit ici même dans ma dernière chronique. M. Stebbins a découvert que, dans l’intervalle de deux minima successifs d’Algol, la courbe de lumière de l’étoile n’est pas rigoureusement constante, mais présente, à peu près en son milieu, un très léger minimum secondaire, une dénivellation à peine perceptible, mais hors de conteste. Cela prouve que la lumière du système, qui diminue beaucoup quand le satellite passe devant Algol, diminue aussi un peu quand Algol passe devant le satellite. Donc celui-ci n’est pas tout à fait obscur et émet de la lumière. Le calcul fait d’après les observations de M. Stebbins montre que l’éclat du satellite non seulement n’est pas nul, mais est légèrement supérieur à celui de notre soleil, ce qui confirme d’une manière frappante nos prévisions théoriques. Étonnante et curieuse entente cordiale de la théorie et de l’expérience.

Telles sont quelques-unes des singulières particularités, — et quelques-unes seulement, — découvertes récemment dans cette étoile étrange que, à des milliards de milliards de lieues, on sait avec une grande précision peser, mesurer, analyser.

Ajoutons, pour ne rien laisser d’important dans l’ombre, que l’observation d’Algol nous a donné l’occasion d’y découvrir un phénomène nouveau reconnu aussi postérieurement par divers astronomes