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qu’arrive-t-il ? C’est que, si la source s’approche de l’observateur, toutes les ondes qu’elle émet sont un peu raccourcies par ce rapprochement rapide : les ondes rouges deviennent un peu plus jaunes, les jaunes un peu plus vertes, les vertes un peu plus bleues, les bleues un peu plus violettes ; aux ondes rouges extrêmes se substituent des ondes infra-rouges que leur raccourcissement rend visibles, tandis qu’au contraire, à l’autre bout du spectre, les ondes violettes-extrêmes deviennent des ondes ultra-violettes invisibles. De sorte que, finalement, tout se passe comme si rien n’avait été changé dans la gamme colorée du spectre. C’est ce que n’avait pas vu Doppler ; c’est ce que Fizeau, qui le premier a donné à ces choses une forme définitive, a au contraire nettement aperçu.

Mais si, au lieu d’un spectre rigoureusement continu, la source lumineuse considérée émet (comme c’est le cas des étoiles) un spectre lumineux à peu près continu, mais présentant ces petites discontinuités qu’on appelle les raies spectrales, les choses se passent différemment. Considérons par exemple la célèbre raie du sodium, cette petite ligne noire qu’on observe dans le spectre du soleil exactement au milieu de la partie jaune de ce spectre. Cette raie est légèrement déplacée vers la partie rouge ou au contraire vers la partie violette du spectre selon que la source lumineuse s’éloigne ou se rapproche de nous. Ainsi, le soleil tourne sur lui-même avec une vitesse de quelques kilomètres par seconde, de telle sorte que, si on considère l’équateur solaire, l’un des bords de l’astre s’approche de nous, tandis que l’autre s’en éloigne. En juxtaposant les spectres lumineux de ces deux bords, on constate que les mêmes raies noires du spectre sont décalées les unes par rapport aux autres. La raie jaune du sodium par exemple est déplacée vers le rouge dans le spectre du bord solaire s’approchant de nous, déplacée dans l’autre sens au bord opposé, et la distance des positions des deux raies, leur décalage, qu’on mesure facilement a permis de calculer indirectement la vitesse de rotation du soleil. Il va sans dire que la vitesse ainsi trouvée concorde parfaitement avec celle qu’a fournie l’observation directe de la rotation du disque solaire.

L’application aux étoiles de ce principe physique merveilleusement simple et fécond, qui permet de déduire les mouvements des objets de l’analyse de leur lumière, est une des plus captivantes conquêtes de l’astronomie moderne. C’est ainsi qu’en 1889, l’astrophysicien Vogel, en examinant et en mesurant attentivement le spectre d’Algol aux diverses phases de sa variation lumineuse,