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toute onde plus grave a une longueur plus grande puisqu’elles parcourent toutes, quelle que soit leur fréquence, c’est-à-dire leur nombre par seconde, la même distance de 330 mètres chaque seconde. Une note correspondant à l’octave supérieure d’une autre correspond donc à des ondes sonores moitié plus courtes que celles-ci.

Dans ces conditions, il est facile de comprendre ce qui se passe : tandis que le sifflet de la locomotive (comme la trompe d’auto) s’approche de moi, il court en quelque sorte derrière les ondes sonores qu’il m’envoie, il les presse, les chasse vers moi, les comprime en quelque sorte dans ma direction : il s’ensuit que la longueur de chaque onde sonore émise par le sifflet est, à chaque instant, diminuée de ce fait même. Si, par exemple, le sifflet émet des ondes qui, au repos, auraient un mètre de longueur, c’est-à-dire qui progressent dans l’air de cette quantité ; si le sifflet s’approche de moi de 50 centimètres par seconde (ce qui ne correspond qu’à une faible vitesse) les ondes sonores qui m’arrivent n’ont plus que 50 centimètres de longueur et sont à l’octave supérieure du son émis au repos. Le contraire a lieu si le sifflet s’éloigne de moi ; les ondes sonores que j’en reçois auront alors 1m, 50 au lieu de 1 mètre et j’entendrai un son beaucoup plus grave.

Et maintenant, ce qui a lieu pour le son va nous éclairer ce qui a lieu pour la lumière, puisque, suivant l’image célèbre du poète :


Dans une ténébreuse et profonde unité,
Vaste comme la nuit et comme la clarté.
Les parfums, les couleurs et les sons se répondent.


Il y aurait peut-être quelque réserve à faire sur le rôle que, d’après Baudelaire, les parfums jouent dans cette conversation des couleurs et des sons, mais ne chicanons point le poète sur ce que son odorat avait d’un peu trop envahissant et exclusif, et reconnaissons que maintenant, et scientifiquement parlant, la correspondance des sons et des couleurs est rigoureusement conforme à la réalité la plus subtile.

De même que les ondes sonores varient, augmentant ou diminuant de longueur apparente, lorsque la source émettrice s’éloigne ou se rapproche de l’observateur, de même il en est pour les ondes colorées, pour la lumière ; et la couleur d’une onde lumineuse varie selon que la source s’éloigne ou s’approche de celui qui l’observe.

S’il s’agit d’une source lumineuse émettant un spectre tout à fait continu, telle qu’un filament de métal incandescent par exemple,