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sur la cause de cette variation, j’imaginerais volontiers qu’il est difficile d’en rendre compte autrement que par l’interposition d’un astre énorme tournant autour d’Algol, ou par quelque sorte de mouvement d’Algol lui-même qui tourne périodiquement vers nous une partie de sa surface couverte de taches ou de quelque chose d’analogue. »

De ces deux hypothèses de Goodricke, la première s’est trouvée être exacte. Considérons à ce point de vue la courbe de lumière d’Algol.

Cette courbe, qui reste horizontale la plupart du temps, c’est-à-dire qui indique un éclat constant de l’étoile, présente, comme nous l’avons vu et tous les deux jours, une dépression de quelques heures assez analogue à celle que cause dans les courbes des baromètres enregistreurs une brusque tempête. Dans l’hypothèse proposée, on voit que la diminution constatés de l’éclat d’Algol a lieu quand le satellite obscur passe devant l’étoile brillante, et l’éclipsé partiellement à nos regards. Le moment où la lumière d’Algol est réduite à son minimum est celui où l’éclipse est la plus grande. L’instant où la courbe de lumière commence à baisser et celui où elle revient à sa valeur constante sont ceux du premier et du dernier contact de l’éclipse. Pendant le reste du temps l’étoile brillante nous présente son disque lumineux tout entier et son éclat reste alors rigoureusement constant..., du moins on l’a cru jusqu’en 1910, et nous verrons tout à l’heure pourquoi on a été amené à changer d’avis là-dessus.

L’éclat apparent d’Algol est diminué de 64 pour 100 au moment de son minimum ; on en déduit que les deux tiers de son disque sont alors masqués par le satellite qui tourne autour d’elle. En considérant le temps pendant lequel Algol varie d’éclat et celui qui sépare deux de ces minima successifs, on en déduirait facilement que la distance de l’étoile principale et de son satellite sont très faibles par rapport à leurs dimensions, autrement dit qu’il s’agit de deux astres très volumineux et tournant très près l’un de l’autre.

Pendant deux siècles l’hypothèse de Goodricke n’eut aucune faveur auprès des astronomes parce qu’un tel système stellaire paraissait tout à fait différent de ceux qu’on connaissait jusque-là, et on émit même des doutes sur la stabilité d’un pareil système. Aussi pendant longtemps on crut plutôt à l’hypothèse d’après laquelle Algol nous présentait périodiquement des portions de son disque inégalement lumineuses par suite de quelque phénomène analogue aux taches du soleil. N’oublions pas qu’à l’époque on pouvait encore supposer solide, avec des accidents de terrains invariables, la surface