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et lorsque l’état du ciel, malheureusement souvent couvert dans ces nuits d’hiver, le permet. Elle est située dans la Voie lactée et à très peu de chose près sur la ligne qui joint le petit groupe scintillant des Pléiades à la chaise de Cassiopée que tous les écoliers savent repérer dans le ciel boréal. Normalement, l’éclat d’Algol est compris entre la deuxième et la troisième grandeur (exactement égale à 2,3). Mais, et c’est là le fait fondamental, périodiquement, tous les deux jours et vingt heures à peu près, l’étoile subit pendant quelques heures une diminution progressive et rapide de son éclat, qui passe par un minimum et augmente de nouveau ensuite jusqu’à sa valeur normale, qu’il gardera jusqu’au moment où, deux jours et demi plus tard, il recommencera à diminuer.

Ce phénomène est facilement observable à l’œil nu, et on peut être surpris qu’aucun des observateurs de l’antiquité ou de la civilisation arabe ne l’ait signalé ; car cette diminution d’éclat est immédiatement reconnue, lorsqu’elle se produit, par la comparaison à l’œil nu d’Algol et des étoiles voisines. Ce n’est pourtant qu’en 1669 que, pour la première fois, le phénomène fut constaté par l’astronome Montanari. Il fallut attendre un siècle pour que l’on connût, par les observations de l’astronome Goodricke, la loi remarquable qui régit cette variation lumineuse et la durée exacte de sa périodicité. S’il avait fallu attendre un siècle pour cela, il a fallu en attendre deux pour élucider définitivement la cause de cette étrange variation, et c’est en vérité dans ces dernières années seulement que les phénomènes les plus intéressants manifestés par cette étoile ont été mis en évidence.

Mais, me dira-t-on, quel intérêt peut bien présenter l’étude des fluctuations lumineuses que présente Algol, puisqu’il faut l’appeler par son nom ? Par ces temps de vie chère, à l’heure où tant de problèmes économiques, politiques et militaires nous enlacent de leurs tentacules, que nous chaut la nature des caprices lumineux qui font là-haut changer de visage à cette belle personne stellaire ? Le moindre grain de mil et même, — diront peut-être les membres de la Commission des réparations, — le moindre billet de mille ferait bien mieux notre affaire. Nous n’en disconvenons pas, mais il faut permettre pourtant à quelques originaux de persister à s’intéresser, par delà les contingences alimentaires, à l’inconnu, au mystère qui de toutes parts dans ce monde étrange nous assaille, non moins que la nécessité de digérer.

Dans ce singulier train rapide qu’est la vie, entre les deux