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des sacrifices que la France a faits au maintien de l’Entente cordiale. Les Français ont vu la politique de sécurité conforme au droit des peuples qu’ils esquissaient sur le Rhin contrecarrée et méconnue, au point d’être confondue avec les ambitions et les désirs de conquête d’un peuple impérialiste ; tandis que l’Angleterre obtenait toutes les garanties de sécurité qu’elle estimait nécessaires, nous n’en obtenions que d’insuffisantes. Il n’a pas tenu à la politique anglaise que nous ne voyions succomber la Pologne et ruiner notre influence en Syrie. Il est nécessaire que l’opinion britannique ne se méprenne pas sur l’impression produite en France par la politique de son gouvernement dans l’ancien Empire ottoman. Par l’accord de 1916, nous consentions à renoncer en Palestine, au profit de la Grande-Bretagne, à l’influence séculaire de la France ; mais nous avions cru qu’en échange d’une telle concession, suivie de celle de Mossoul, douloureuses l’une et l’autre à notre amour-propre et nuisibles à nos intérêts, nous trouverions partout, pour organiser l’indépendance assistée des peuples émancipés du joug turc, l’appui cordial des troupes et des autorités anglaises, comme les Anglais trouveraient partout l’aide française. La déception a été profonde. L’opinion française a le sentiment qu’après ce que la France a fait pendant la guerre, la perte d’influence qu’elle subit en Orient au profit de ses alliés est une injustice et qu’elle a droit à une compensation. Le gouvernement de la République sera approuvé et soutenu par le pays s’il défend énergiquement à Constantinople ses droits, qui sont ceux de toutes les nations, et son influence, qui est l’héritage de toute l’histoire de France, le fruit de l’activité séculaire de ses nationaux ; il sera loué s’il s’oppose à ce qu’aucune école, aucune œuvre française soit moins libre et moins prospère sous l’un des régimes nouveaux, notamment en Palestine, qu’au temps de l’autorité turque.

Une politique des ports, pratiquée par l’Angleterre avec discernement et modération, ne doit pas se trouver nécessairement en opposition avec la politique continentale de la France. Que le commerce britannique se développe dans tous les ports d’Europe, la France s’en réjouit, à la seule condition que ce ne soit pas à ses dépens et d’accord avec ses ennemis. La politique des ports peut avoir ses exagérations et ses intempérances comme le système continental a eu les siennes et pourrait encore les avoir ; à tout prendre, il n’est pas mauvais, dans leur